Voici la septième édition de cette excellente initiative qui consiste à offrir aux lecteurs français une sélection d’articles publiés au cours de l’année dans les six numéros de l’International Journal of Psychoanalysis (IJP). Chaque année c’est une formidable occasion de sortir de la sphère hexagonale, de nos habitudes et nos codes culturels, et de prendre connaissance des travaux psychanalytiques contemporains et internationaux. Expérience salutaire qui est, il faut bien le dire, peu pratiquée par les analystes français, très attachés à l’exception française, mais qui s’avère très stimulante. Le volume 2009 présente dix articles, venant de pays différents : Italie, Grande Bretagne, Argentine, Etats-Unis, France, ainsi que deux lettres, venant d’Uruguay et de Suisse.
J’ai envie de commencer mon compte-rendu par le dernier texte de l’ouvrage, le compte-rendu écrit par Antonino Ferro du dernier ouvrage de James S. Grotstein : «A beam of intense darkness » ( Karnac Books, Londres, 2007), ouvrage consacré à l’œuvre de W.R. Bion, dont Grotstein était un analysant, et qui inspire à Ferro un remarquable commentaire. C’est quasiment, en quelques pages, une petite introduction à l’œuvre de Bion dont on sait que Ferro est un fin connaisseur. Il y a des éléments biographiques rapportés par Grotstein, qui montrent les aspects toujours surprenants de la personnalité hors norme de Bion ; il y a des commentaires très éclairants sur des notions théoriques. Bref, ce compte-rendu donne fortement envie de se procurer l’ouvrage de Grotstein.
Le volume commence avec un article de Vittorio Lingiardi (Milan) qui traite un sujet très original, celui de l’impact de l’espace cybernétique sur la relation analytique, avec deux cas cliniques très « contemporains », celui d’une patiente qui veut communiquer avec l’analyste par mail et celui d’un jeune homme schizoïde qui fait un usage compulsif d’Internet. En quoi les courriels et le réseau Internet peuvent trouver une fonction dans la relation psychothérapique ?
John Steiner (Londres) offre au lecteur une conceptualisation à partir d’une situation transférentielle particulière, celle de l’ «observateur exclu » mettant à rude épreuve le contre-transfert de l’analyste et risquant de produire des agirs plutôt que des élaborations, aussi bien du côté de l’analysant que du psychanalyste, qui devra accepter de perdre le rôle central .
C’est la question du traumatisme qui est revisitée par Estela Bichi (Buenos Aires) à partir d’un cas très vivant d’une jeune femme où des traumatismes récents viennent réactiver des traumatismes plus anciens, enfouis, peu accessibles à la mémoire. C’est un travail s’appuyant sur les capacités créatives des deux protagonistes de la relation thérapeutique qui pourra remettre en route le travail de la représentation.
« Refoulement et clivage » font l’objet d’une mise au point très rigoureuse et approfondie par Robert D. Hinshelwood (Grande Bretagne), au moyen d ‘une étude comparative, mettant en lumière les différentes perspectives selon les courants de la psychanalyse, dont on ne peut qu’apprécier la pertinence conceptuelle.
Le pardon n’est pas une notion psychanalytique, et une notion peu utilisée par les psychanalystes. Néanmoins, le psychanalyste américain Henry F. Smith (USA) y consacre une étude à partir de la question : est-ce un concept utile ? Question à laquelle il répond par la négative, en soulignant sa valeur défensive et en privilégiant plutôt l’idée de la réparation qui paraît plus pertinente dans le champ psychanalytique.
Riccardo Lombardi (Rome) consacre un article à la problématique du corps dans la psychanalyse, dans une perspective post-bionienne. Si le corps est à l’origine de la vie psychique, il en résulte que le traitement psychanalytique doit faire une plus grande place aux éprouvés corporels et aux expériences somatiques, ce que l’auteur illustre avec trois cas cliniques.
Evelyne Séchaud (Paris) propose aux lecteurs des autres pays une synthèse sur le maniement du transfert dans la psychanalyse française, qui analyse les différentes positions et leurs enjeux.
Une fois de plus cette livraison de l’Année Psychanalytique Internationale est d’une lecture stimulante et permet au lecteur d’avoir un aperçu des travaux actuels dans le monde de la psychanalyse.