Les auteurs nous convient à une riche lecture. Cet ouvrage est une réédition chez Aubier, d’un livre édité aux Puf en 1983, qui s’intitulait L’Occulte, objet de la pensée Freudienne.
Le point de départ de l’oeuvre est « L’Affaire Forsyte » que l’on trouve évoquée dans la trentième conférence de Freud, intitulée « Rêve et occultisme » (in Nouvelles conférences). Les auteurs ont le souhait de prendre en compte la dimension de la télépathie et de l’occultisme chez Freud, c’est alors qu’on leur demande de traduire un texte de Freud, inédit en français. A la demande de René Major ils entament donc la traduction de l’article de 1921 « Psychanalyse und telepathie », (traduction française in Résultats, idées, problèmes) ; ce travail durera plusieurs années. Il avait été rédigé en coopération par les deux auteurs: Wladimir Granoff (Psychanalyste) et J. M. Rey (Philosophe). Le premier étant décédé en 2000, Jean Michel Rey reprend ce travail seul. L’accent sera mis dans cette édition sur les différents aspects de la transmission de pensée, de préférence à l’occulte mis particulièrement en évidence dans la première, nous indique-t-il.
Dans sa préface, J.-M. Rey insiste sur ce travail duel où chaque terme du texte de Freud amenait une discussion « quasi socratique » entre eux. Chaque mot, chaque phrase a été l’objet d’une étude approfondie. On le ressent à la lecture de ce livre et cela pèse un peu sur la fluidité de l’ouvrage. En exégètes, les auteurs convoquent tous les aspects du choix des mots proposés par Freud et en cherchent les sens cachés, mettant en perspective un terme par rapport à l’autre, dans l’optique du moment historique où se trouve Freud par rapport à la théorie. A partir de l’étude microscopique de chaque mot ou formule, ils en discutent la sémantique pour se tenir au plus près du texte, critiquant sévèrement, au passage, les traductions anglaises et françaises.
L’échange constant entre la traduction et le commentaire se fait naturellement pour eux, car ils ont l’habitude de faire ce même travail entre la théorisation et la langue dans les textes de Freud. Très rapidement, ils se posent la question de savoir, si une traduction est réellement possible. N’y a t-il pas un risque quant à la perte du sens de l’œuvre ? C’est alors qu’ils décident de faire un commentaire de la traduction, ce qui les emmènera dans de multiples détours. Les mots allemands jalonnent le texte. A la question de savoir pourquoi ils ont opté pour un commentaire accompagnant la traduction, J.M. Rey répond que c’était à leurs yeux : « un formidable poste d’observation du processus de théorisation chez Freud. »
Les questions que se posent les auteurs sur la traduction les amènent en parallèle à s’interroger sur la question de l’occultisme par rapport à la télépathie et finalement la transmission de pensée, suivant en cela le parcours freudien. Ils en arrivent à la conclusion que c’est le développement de la psychanalyse qui permet de conclure sur la question du transfert de pensée. Ils se rapprochent encore en cela de Freud qui, dans les Nouvelles conférences, propose au lecteur de le suivre dans ses nouvelles découvertes bien que la route soit « accidentée ».
Les auteurs nous font cheminer avec eux dans ce travail d’érudit. On est frappé du parallèle qui existe entre cette forme de travail très minutieuse et celle utilisée par Freud lui-même dans sa recherche du sens des phénomènes psychiques. Ils redonnent ses lettres de noblesse à ce travail sur l’occultisme.