A partir du constat d’une certaine proximité de la clinique adolescente avec celle des états-limites, Maurice Corcos propose une réflexion théorico-clinique richement documentée. Les références artistiques assez nombreuses (littérature, peinture…) indiquent avec force la voie de la métaphore dans ces contrées cliniques où celle-ci apparait le plus souvent hasardeuse. La question de l’évolution de la clinique des états limite en fonction du contexte de l’époque est posée d’emblée. L’auteur propose ensuite une description psycho-pathologique très fine, largement à l’écart d’un modèle structural. La fluctuation du régime de fonctionnement pourrait être une des caractéristiques principale de ces configurations cliniques. La finesse descriptive n’a pas seulement une valeur heuristique, quand bien même celle-ci s’avère indéniable. Elle permet aussi et surtout de définir des orientations plus précises pour le soin psychique.
La fresque clinique suggérée par l’auteur s’origine dès le début, le temps originaire où les obstacles ont eu lieu, où le miroir maternel a pu se trouver défaillant, ce qui a bien pu entrainer « l’incarcération de la psyché de l’enfant dans l’inconscient maternel ».La conséquence de ces insuffisances se trouve principalement dans les barrages repérés du coté de l’accès à la figuration. S’engager dans le soin du sujet limite, c’est aussi revisiter le parcours depuis la sensorialité jusqu’ à la symbolisation. Il est très important en particulier de prendre en compte la place centrale des éprouvés corporels. Les embûches que sont les expériences traumatiques diverses conduisent à des modalités défensives assez spécifiques parmi lesquelles la place du clivage paraît prédominante. Le sujet limite utilise ces défenses comme des remparts efficaces contre les menaces d’effondrement (les décompensations psychotiques, mélancoliques ou psychosomatiques). De telles modalités défensives ont pour corollaire la violence de l’acte, la violence par l’acte. La violence des passage à l’acte notamment lors des automutilations témoigne de l’échec, de l’impasse à laquelle se heurte dans la répétition, le sujet limite dans ses tentatives de dégagement, « l’émotion mutilée » .
A la lumière de ces perspectives, le soin psychique n’a pas seulement vocation de contenir et d’accompagner mais surtout de mettre en forme la souffrance. Alors la visée thérapeutique rejoint les enjeux de la créativité. « L’artiste comme l’enfant qu’il fut autrefois joue pulsionnellement dans l’aire transitionnelle ». Cependant l’auteur souligne que la recherche de la créativité ne garantit pas systématiquement l’issue sublimatoire. Il se peut que cette quête tourne à vide. La disposition d’une écoute analytique, dans la mesure où elle peut permettre de favoriser la co-créativité, représente donc une alternative précieuse.