Psychanalyste né en Roumanie, qui a contribué à l’instauration d’une société psychanalytique dans son pays, docteur de l’université Paris VII depuis 1999 et installé en France, Radu Clit nous propose une étude des mouvements de libération sexuelle sous l’angle de la notion de « sexualité collective ».
Un premier chapitre est consacré à « La révolution sexuelle originaire » et rappelle les textes, les pratiques et les auteurs qui en URSS ont voulu accompagner par la libération sexuelle les objectifs de transformation sociale révolutionnaire. Réflexion sur la conception marxiste de la famille, place et ambiguïtés des aspirations féministes, intérêt pour la sexualité des enfants, importance conférée à l’orgasme et à la génitalité, occupent le premier plan. Les idées d’Alexandra M. Kollontaï, le home d’enfants de Véra Schmidt à Moscou, les contacts de Wilhelm Reich avec la Russie révolutionnaire sont examinés en détail.
L’hypothèse qu’une plus grande liberté sexuelle favorise les risques incestueux court au long du livre. Elle organise le second chapitre « tentation de l’inceste et ascétisme » : la remise en cause des interdits amène à accentuer l’ambivalence envers l’interdit de l’inceste. Seul Reich présente explicitement la double négativité du lien incestueux : séparation entre tendresse et sensualité, nécessité pour une évolution sexuelle positive, qu’elle se passe hors de la famille. Or les tendances ascétiques, du registre du sacrifice et de l’idéal, vont relayer ce débat, aiguillant vers des satisfactions narcissiques. Si le désir de libération sexuelle demeure certain, l’essentiel devient la volonté de remplacer la famille bourgeoise et de susciter un homme nouveau. Notons cependant que la prise en charge de l’éducation des enfants par l’Etat, trop coûteuse et freinée par des facteurs culturels, ne s’est jamais réalisée dans les pays communistes européens.
Un troisième chapitre s’efforce d’évaluer, dans une perspective plus clinique, l’autre révolution sexuelle, qui se produit en Occident sur des présupposés différents, mais rencontre les mêmes pôles limitants, inceste et ascétisme. C’est par une attention portée au phénomène échangiste que l’auteur en examine les enjeux, à partir de l’enquête de Bartell aux USA (dans les années 1960), de celle de Welzer-Lang en France dans les années 1990, et de l’étude du Dr Valensin. Radu Clit décrit l’échangisme, souligne la présence générale du fantasme incestueux, insiste sur l’ancrage dans la scène pubertaire, et rediscute les positions reichiennes. Sans être toujours totalement convaincant, notamment quant à l’importance et au sens donné à l’échangisme, l’essai ne manque pas d’intérêt.