C’est à Sainte Anne avec l’équipe de la « guidance infantile » que Jean Berges a formalisé une technique de relaxation adaptée aux enfants. Ce livre est une forme de manifeste en faveur de ce type de prise en charge, par opposition aux techniques purement ré-éducatives souvent préconisées dans les troubles du comportement, tout autant qu’un hommage posthume à l’une des grandes figures de la psycho-pathologie de l’enfant de ces trente dernières années.
Sous la direction de Marika Berges-Bounes, ce livre collectif s’organise d’abord en une première partie très didactique, consacrée à l’exposé de la méthode. Les enfants pris en charge, parfois en individuel, plus souvent en groupe, s’engagent dans un long processus formalisé où la relaxation va s’attacher progressivement aux différents appareils du corps pour ensuite se rassembler en un tout.
Un des aspects particuliers de la technique développée par cette équipe est l’accompagnement en plusieurs temps d’une part dans le toucher de localisation ou de mobilisation dans la verbalisation des éprouvé et enfin, par la formulation de commentaires descriptifs des éprouvés sous une forme métaphorique dynamique (« ce serait comme une vague qui …. »). La conjonction de tous ces éléments entre eux ayant pour fonction d’alimenter ou de ré-enclencher un rapport à l’imaginaire qui serait avec la plupart des enfants concernés quelque peu défaillant ou bien désarticulé du corps.
Ce simple énoncé de la technique donne une idée des indications possibles. Elles ne reposent pas tant sur le diagnostic structurel que sur un aspect de désafférentiation du corps par rapport au fonctionnement psychique. Ainsi l’on va s’adresser aussi bien à des enfants ayant des troubles du comportements dans le cadre d’une pathologie dysharmonique que des enfants ayant des troubles des apprentissages, ou bien même certains symptômes corporels ou bien des tableaux névrotiques assortis d’une insuffisance de mentalisation (certaines phobies ….).
Curieusement, les descriptions des différente phases de la cure ne sont pas sans rappeler certaines techniques décrites par Freud au tout début de sa pratique et qui étaient habituelles à l’époque pour obtenir l’induction d’un état d’hypnotisme ou bien à fortiori de suggestion. Par exemple, poser la main sur le front du patient en suggérant d’une voix douce et continue des images mentales apaisantes. La technique Berges pourrait donc avoir en quelque sorte pour effet de permettre au patient de devenir hypnotisable. Comme si on l’aidait à se constituer un écran de rêve, jusque là défaillant.
Pour E. Lenoble, la technique doit pouvoir s’intégrer à une prise en charge pluridisciplinaire qu’elle appelle joliment « polyphonique » ; la mieux à même – pense-t-elle – de répondre à ces pathologies qui opposent opiniâtrement le symptôme, (fût-il familial) à l’élaboration mentale. Dans cet ensemble, la relaxation peut constituer une sorte de détour qui favorise la remise en route des représentations mentales sans aborder de front un symptôme ou un conflit. Une telle prise en charge semble particulièrement efficiente dans les troubles d’apprentissage de l’écrit. Elle permet vraisemblablement de détourner de l’agressivité jusque là tout entière concentrée dans le rapport aux mots et au sens. A partir d’une situation d’inhibition et de rigidité de pensée, elle facilite le passage à l’imaginaire et à l’hypothétique.
Ce livre nous propose donc un tour d’horizon assez complet d’une méthode thérapeutique un peu trop méconnue et qui chez l’enfant peut jouer un rôle décisif dans la dynamique de traitements qui s’enliseraient autrement. Il défend l’idée d’une vision globale des troubles de l’enfant considérés dans une dimension ethio-pathogénique et psycho-dynamique. De ce point de vue, il constitue aussi un rafraîchissant contre-point aux théories très mécanicistes du traitement des enfants auxquels la rumeur publique voudrait parfois nous faire adhérer sans recul.