Le livre s’articule autour de l’article de Florence Guignard qui introduit la discussion par les autres auteurs. Le corps à corps de la mère avec l’enfant est un passage obligé pour les enfants des deux sexes. Comment la fille peut-elle se dégager de ce rapport charnel, incestueux à la mère ? Comment penser la psychosexualité de la femme ? F. Guignard pose l’hypothèse d’un développement de la fille en trois volets, qu’elle imagine en termes spatio-temporels. Au début, l’espace du maternel primaire, puis l’espace du féminin primaire, et enfin l’Œdipe précoce. Au cours du développement de la fille, l’utilisation de l’identification s’effectue sans limites entre mère et fille : identification primaire, puis identification à l’objet primaire perdu lors de la phase féminine primaire et enfin la fille devra s’identifier à celle-là même qui l’a privée de son statut omnipotent d’unique amour d’objet maternel : la mère sexuelle… Elle y sera aidée par le père oedipien. La mère, premier objet d’amour et d’identification restera pour la fille devenue femme puis mère sa référence identitaire (le partage). F. Guignard propose des métaphores anatomiques (l’utérus, son col et le vagin) pour penser les destins de la féminité et de la maternité. La limite entre le féminin et le maternel est métaphorisée par le col de l’utérus, l’irreprésentable, la limite même de l’inceste. L’hypothèse de l’auteur est que cette limite permet à la femme adulte et devenue mère de fonctionner dans l’alternance (la bascule) entre son féminin et son maternel (le clivage)
Jacqueline Schaeffer reprend cette idée de bascule pour la discuter et la mettre en perspective avec la question du refus du féminin. Pour elle, le refus du féminin est une défense prégénitale contre les angoisses archaïques de pénétration génitale, celle d’un vagin pénétré ou à pénétrer par un pénis libidinal. Pour J. Schaeffer, l’amant de jouissance réveille la fille, dans le plaisir / douleur de la jouissance féminine. C’est l’effraction nourricière de la pénétration qui permet la levée du refus du féminin mais qui oblige au travail du féminin, alternance d’ouverture (le féminin) et de fermeture (le maternel). L’amant de jouissance vient en position de tiers séparateur pour arracher la femme à sa relation archaïque à la mère. L’auteur voit là le degré le plus accompli du changement d’objet. Thierry Bokanowski examine l’influence du maternel dans l’organisation du masculin chez le garçon. Il défend l’idée que l’intensité de la relation homosexuelle (bien qu’apparemment secondaire) est bien en lien avec une relation défaillante à la mère dans sa fonction maternelle. Annie Anzieu s’interroge sur le problème de la transmission du féminin entre mère et fille. Pour elle, le caractère essentiel du féminin est d’être le passage (pour le sang des règles, pour le sexe de l’homme et l’enfant). La fille passe par le vagin maternel, occupe l’utérus et l’emporte avec elle, elle évoque un emboitement utérin et parle d’appropriation de l’objet maternel par la fille. Pour elle, il n’y a pas de véritable changement d’objet chez la fille.
Dominique Arnoux insiste quant à lui sur la différence entre l’homme et la femme. Il reprend les textes de Freud à propos de la femme et les compare à ceux de M.Klein. Pour l’un comme pour l’autre dommage et catastrophe organisent la psychosexualité surtout chez la femme. L’auteur se pose la question du devenir de l’hostilité incommensurable et de la détresse sans apaisement provenant de cette souffrance jamais tempérée, l’envie du pénis chez la petite fille découverte par Freud et l’envie de maternité pour le garçon selon M. Klein. En évoquant le cas d’Agnès, Elsa Schmidt-Kitsikis, explore la relation mère-fille quand la fille devient mère. Elle nous montre les mouvements d’identification projective et peu à peu au décours de la cure l’instauration d’un espace de jeu entre mère et fille. Christine Jean-Strochlic travaille aussi cette question en nous relatant la thérapie d’une jeune femme atteinte d’un cancer du sein. Elle mène sa réflexion à partir de deux rêves au début et à la fin de la cure. Lisa Résaré s’intéresse au rôle de la mentalité de groupe dans la relation mère / fille. La diversité des articles et leur richesse fait de cet ouvrage un outil de réflexion très utile pour notre travail analytique avec les femmes.