Ce texte de Jean Oury, psychiatre fondateur de la clinique de la Borde, part de l’idée que le mouvement naturel de toute institution va vers la mort. Il a déjà été publié en 1975, dans Matière et pulsion de mort et en 1980 dans Onze heures du soir à la Borde. Alors que la tentation du couple Créon-Antigone est toujours présente, sur fond de grisaille, d’anonymat, de monotonie, la Mort est coupure, accident, jamais prévue, toujours en-trop. Comment un ensemble institutionnel peut-il traiter l’en-trop ? En même temps, cet en-trop est ce qui le ronge, préservant la lueur salvatrice de la précarité. La pulsion de mort est à relier à ce précaire, inutile, mort non forclose qui régit la vie. Le travail collectif de deuil permet la juste appréciation des choses, la mise en place qui permet la recollection d’un puzzle, l’élaboration d’une part de la masse de l’oubli. C’est un travail d’écriture lointaine, d’infinitisation d’une énigme, de préservation de la liberté devant la complexité de la surface de la vie, avec ses pliures et ses arborescences. Perte d’un monde et détresse originaire, le deuil pose ainsi la coupure structurale de l’angoisse de castration. Au centre du désir est la mort détournée par Eros, et le deuil est travail de liaison dans une assimilation symbolique des morceaux épars. Ainsi peut se capter l’énergie de la pure répétition afin que se construise le temps. Face au psychotique nous sommes ramenés à cette raison radicale et confrontés à des pertes répétitives d’objet, deuil constamment renouvelé qu’il faut travailler pour en organiser la précarité. La psychose, l’institution et la mort sont trois cartes fondamentales avec lesquelles il faut apprendre à jouer selon le désir (et non l’amour), acte diacritique qui empêche la coalescence de la Mort, de la Mère et du désir. La psychose met à l’épreuve le désir en éprouvant le pouvoir séparateur de celui qui s’approche : sa capacité à se réjouir de la rencontre, présent dans l’instant, « disponible, vigilant, vivant ».
La psychose, l’institution, la mort