Croisant biographie des auteurs et commentaires des textes, le regard clinique de Thérèse Tremblay-Dupré parcourt quelques œuvres majeures de notre héritage littéraire, y quêtant notamment les traces des ruptures et des élaborations de l'adolescence. L'univers poétique des personnages évoqués est atemporel, dit-elle, peuplé d'images et de métaphores de l'angoisse et de la détresse. Le plus souvent, le désarroi tient à l'impossibilité de se représenter l'absence de l'objet primordial, la mère, cadre et soutien de la psychè de l'enfant. Chez Julien Gracq, permier auteur abordé, se fait jour non pas la souffrance d'un abandon précoce, mais une fixation maternelle : l'absence évoque la nostalgie d'un refuge sûr, dans un flottement psychique aux frontières de l'hypnose et du sommeil, en-deçà de la mutation adolescente. L'effacement de l'objet maternel devient ici structure encadrante, garantie de la présence maternelle dans son absence ; dans la latence, au seuil de l'adolescence, la femme est médiatrice de l'homosexualité, tandis que son sexe reste porteuse d'un ailleurs jamais atteint. Les parallèles entre l'existence de Balzac et le destin psychotique qu'il assigne à son personnage Louis Lambert montrent son auto-analyse d'un travail psychique qui amène l'adolescent à concevoir une théorie viosionnaire de l'origine, des pouvoirs et de la dynamique de la pensée. Le propos consacré à Molière montre notamment le refus chez Dom Juan, engagé dans son défi phallique (et non libidinal) de renoncer à son fantasme d'auto-engendrement. A l'espace indéfini de Dom Juan répond l'espace étroit et réduit d'Argan, le Malade Imaginaire – joué par un Molière réellement malade. Après les destins du corps, voici ceux de la mélancolie : c'est sur Richard II, le monarque qui s'offre à se laisser déposséder, que se centre l'étude sur Shakespeare. Le dernier interlocuteur clinique de l'auteur est Julien Green, voyageur sur la terre, éternel expatrié au monde animiste et hallucinatoire.
La mère absente. Une lecture psychanalytique de Julien Gracq, Balzac, Molière, Shakespeare, Julien Green
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