Dans cet ouvrage très dense, Anne Juranville étudie les liens entre la mélancolie, connue depuis l’Antiquité, et la dépression, maladie de l’homme moderne. Elle retrace la construction historique et culturelle de la mélancolie en occident : décrite par Hippocrate dans sa théorie des humeurs, elle est perçue au Moyen Age comme une faute, le péché d’acédia, avant de prendre toute sa dimension existentielle à la Renaissance. Au cours des siècles suivants, la mélancolie peut être entendue à partir de repères stables qui sont les repères de la névrose (finitude du monde, ordre symbolique lié à un Dieu, primat de la paternité). A partir de l’époque de l’entre deux guerres, la perte des valeurs traditionnelles, l’avènement du réalisme moderne, donne un autre visage à la mélancolie qui se détourne du vivant pour s’abîmer dans le monde des choses, corrélativement à la perte du sens. La post modernité, avec les développements technologiques liés au positivisme scientiste, annonce l’apparition d’une nouvelle subjectivité avec un accroissement exponentiel de la dépression.
La mélancolie, même si elle s’articule à la dépression, a sa dimension propre, en particulier si l’on s’arrête sur la problématique de la « bonne » mélancolie et de son rôle positif dans la création. Ces différents « génies créateurs » n’en continuent pas moins à souffrir avec les moments de désespoir et de fatalisme destructeur qui peuvent conduire au suicide.Il ne faut donc pas oublier que tous ces sujets doivent être pris en charge, et qu’en cela la mélancolie est liée à la dépression, prise en charge tant sur le plan médicamenteux que sur le plan psychothérapique en particulier psychanalytique, thérapeutiques qui sont plus que jamais d’actualité et toujours en évolution.