Cet ouvrage collectif en trois parties porte un intitulé provocateur: liberté ce qui est contradictoire face au déterminisme psychique, l’égalité où est question de la domination masculine, et la sexualité traitant les variétés de la sexualité humaine, en particulier l’homosexualité.
Questionner la liberté en psychanalyse implique aussi son processus c’est à dire la libération. Le but de l’analyse est de procurer au moi la liberté de décider. Ce sont les pulsions sexuelles directes s’opposant aux formations narcissiques de masse qui garantissent une certaine liberté individuelle. Pour Laurence Kahn la libération est conditionnelle car l’analyse remplace le résultat d’un refoulement automatique et excessif par une maîtrise mesurée et orientée vers un but, ce mécanisme n’étant jamais complet puisque soumis à la répétition. Dans ce contexte, Laurence Kahn critique le courant interpersonnel qui tente d’abolir la dissymétrie de la relation analytique et la prive de l’analyse de l’angoisse transférentielle et de la haine. Cependant la libération ne se réfère pas à celle du déterminisme lui-même mais à l’échange d’une détermination par une autre moins couteuse sur le plan énergique, ce qui fait que la liberté soit conditionnelle.
Patrick Merot souligne que la liberté de penser est un fardeau pour l’homme qui est dans l’attente de la croyance et de la dépendance, car c’est penser une épreuve de désorganisation/réorganisation.
La liberté, fondement de l’humanité et indissociable du lien social, est une qualité d’être c’est-à-dire qu’elle se vit. C’est à elle que s’intéresse la psychanalyse, ainsi qu’aux forces obscures qui s’y opposent. La question de la liberté englobe toute la psychanalyse. La liberté se fonde sur les reconnaissances des déterminations ce qui ouvre vers la liberté. Dans ce contexte surgit la dualité du mot ‘sujet’ : actif et différencié d’un coté assujetti et indifférencié d’un autre. La différenciation sujet – objet implique la capacité à dire non sous-tendant un jugement qui permet de faire un choix. C’est ce processus qui donne naissance à l’homme libre.
Dans la cure c’est le travail de déliaison qui peut mener vers la liberté. La psychanalyse a pour but de procurer au moi la liberté de faire un choix, par la reconnaissance des contraintes venant de l’intérieur, notamment de l’infantile, restreignant la liberté du moi. Le patient est censé réaliser qu’il ne suffit pas d’avoir la liberté pour être libre.
La culpabilité, par l’opposition qu’elle implique entre moi, ça et surmoi, pourrait offrir une mesure du degré de liberté. De la même manière, la logique narcissique constitue une butée pour la liberté. Dans la conflictualité instancielle, l’analyse peut apporter un peu plus de liberté et c’est la déliaison du fantasme à l’aide de la parole qui favorise sa libération.
La reconnaissance de la castration permet une libération face aux contraintes de l’idéal du moi et c’est la méthode analytique si elle aboutit à une ouverture vers les représentations qui découvre un chemin vers la liberté. Pour Catherine Chabert lorsqu’il n’y a pas de sens donné à l’absence, il n’y a pas sens donné à la liberté et lorsqu’il n’y a pas de sens donné à la frustration il n’y a pas de sens donné à la sexualité. La liberté interne psychique est en étroit lien avec la liberté des autres où politique et culture s’entremêlent.
Michael Parson distingue liberté négative et positive. La première est celle à l’égard d’une contrainte, par exemple l’humilité qui consiste à être libre du besoin parfait de soi. C’est une liberté dite sérieuse car la liberté intérieure est essentielle à l’intégrité psychique et implique la responsabilité de la manière dont elle va être utilisée et d’assumer cette responsabilité. La liberté positive fait référence aussi bien à la croissance individuelle et à la créativité au sens de Winnicott. C’est la croissance psychique qui est destinée aller vers la liberté psychique et se conçoit dans la relation à l’autre. L’association libre est toute sauf libre car elle provoque immédiatement des obstacles que la psychanalyse peut essayer de comprendre pour ouvrir la voie vers la liberté. Liberté positive et négative sont étroitement intriquées au cours de l’analyse. L’association libre accroit la complexité psychique. L’élaboration dans le fonctionnement psychique vers une plus grande complexité donne le sentiment de vivre plus pleinement la libre association ce qui apporte la satisfaction et aboutit à vivre dans la créativité.
La seconde partie traite l’égalité commençant avec la notion de domination qu’il faut mettre en rapport avec les pulsions. La domination masculine, phallique serait issue des effets du complexe de castration dont elle représenterait une défense envers l’angoisse de castration. Cette domination serait prise entre féminité, passivité et homosexualité. Irène Théry critique la distinction entre masculin/féminin et homme/femme dans la théorie de la domination. De la même manière il existerait une confusion entre hiérarchie et inégalité d’une part et autorité et pouvoir d’autre part.
Jean-Paul Demoule nous donne un aperçu sur la domination qui va de la préhistoire jusqu’à nos jours. Il en ressort, à travers l’art préhistorique, que les premiers hommes semblent être fortement préoccupées par la sexualité et la relation entre homme et femme et que sexe et pouvoir étaient depuis toujours intimement liés.
La troisième partie aborde l’homosexualité et plus particulièrement l’historique de l’accès à la formation des candidats à la psychanalyse aux Etats-Unis. Il est rappelé que pendant longtemps l’homosexualité fut considérée comme une pathologie psychiatrique. Les auteurs évoquent également toute la problématique de ceux des candidats qui la cachaient durant l’analyse personnelle, ainsi que celle des formateurs.
Les auteurs font également remarquer que pendant plus de 40 ans aucun psychanalyste américain n’a montré son désaccord quant aux représentations par rapport aux patients homosexuels. Freud s’opposa à toute forme de discrimination y compris dans les institutions psychanalytiques. En avance sur son temps, il considérait que la psychanalyse doit dévoiler les mécanismes psychiques et ne pas vouloir résoudre le problème de l’homosexualité. La neutralité analytique exige un questionnement permanent afin d’éviter complaisance et conformisme idéologique. Ce chapitre se clôt avec une bibliographie exhaustive commentée sur la situation de l’homosexualité dans la formation analytique des années 1973 à 2000 aux Etats-Unis.
Nous pouvons conclure avec Michael J Feldman que la psychanalyse doit être un lieu critique indépendant des normes sociales et en opposition aux pressions d’homogénéisation d’une société triomphaliste.
Rénate Eiber, mars 2020