Dans cet ouvrage écrit dans la suite de son rapport au Congrès des psychanalystes de langue française à Lyon en 2003, Claude Janin nous propose une esquisse d’une théorie générale de la honte.
Pour lui la honte est le premier affect organisateur de la vie psychique, présent à ses débuts comme il l’est aussi à l’origine de l’humanité. Elle précède la culpabilité : dans Totem et Tabou il voit une honte première liée à l’homosexualité des frères soumis à la domination sexuelle du père. Ils échappent à cette honte lorsqu’ils sortent de leur passivité au moyen du meurtre du père primitif ce qui leur assure la possession des femmes. Succèdera alors la culpabilité liée au meurtre.
Claude Janin fait un parallèle avec le développement individuel : la prématurité biologique du nourrisson rencontre de façon désorganisante l’excitation liée aux soins maternels, ce qui constitue un traumatisme et entraine un état de passivation par débordement des capacités de liaison psychique : c’est la détresse originaire. L’émergence du sexuel représente une possibilité d’intrication de la détresse, ce qu’il appelle honte primaire. Ce sera un des affects représentant dans le psychisme le résultat des premières intrications pulsionnelles.
A partir de cette honte primaire émerge une culpabilité primaire.
La honte secondaire apparait à la période de latence, c’est un affect subjectivé. Elle est dans le psychisme la trace subjective de la prématurité du moi débordé originairement dans sa mission de liaison de l’excitation sexuelle. Les éprouvés de honte liés à la sexualité infantile dans son développement sont reliés à la honte primaire. On pourra insister sur l’importance des objets comme agents de liaison permettant que la honte ne déborde pas le Moi par trop grandes quantités. L’objet maternel est donc à la fois agent de liaison et introducteur de la honte comme limitation aux poussées pulsionnelles : par étayage il est organisateur de la honte signal d’alarme.
A partir d’exemples cliniques liés au masochisme, Claude Janin montre les rapports entre haine et honte et leur infernale coexcitation : la haine est un moyen de traiter la honte éprouvée dans la passivation.
Enfin Claude Janin montre le rôle que tient le refoulement de la honte voire son déni dans le travail de civilisation.