Une théorie psychanalytique centrée exclusivement sur la notion de représentation s'avère insuffisante. Rassemblant des travaux élaborés sur près de vingt ans, retravaillés et actualisés, auxquels s'ajoutent des textes inédits, les auteurs présentent une conception du psychique qui insiste sur l'inséparabilité du négatif, du trauma et du surgissement d'une intelligibilité ; ils s'intéressent à un processuel primordial de la vie psychique, dans l'indivision entre implosion négative et éclat hallucinatoire. Ainsi s'éclairent les voies décisives qui vont de la non-représentation à la figurabilité, de la trace amnésique, qui caractérise la mémoire sans souvenir, au rêve mémoire. Le travail de figurabilité de l'analyste, rendu possible par sa régression formelle lors de la séance, permet cet accès nécessaire à la mémoire sans souvenir, au sein d'un actuel qui n'appartient pas au présent et dont la continuité avec le passé n'est pas représentable.
La première partie de l'ouvrage est centrée sur les rapports entre la figurabilité et le négatif et comporte en particulier des remarques importantes sur le négatif du cadre analytique et sur la non-représentation. Elle permet de définir la figurabilité et le travail de figurabilité, axe d'intérêt central des auteurs depuis 1983, qui a donné lieu à leur rapport au Congrès des psychanalystes de langue française en 2001. Lorsque dans des situations limites, de façon inattendue, la pensée de l'analyste régresse au-delà de l'attention flottante et tend à désinvestir ses représentations de mots, il peut surgir un accident de pensée, une rupture d'avec le monde des représentations, équivalent à l'état traumatique de non-représentation. Cet "accident" suppose un mouvement régrédient de convergence-cohérence qui trace de nouveaux liens dans la simultanéité des champs multiples et variés de la séance (discours ou agir de l'analysant, transfert - contre-transfert matériel perceptif actuel ou issu desséances antérieures). La capacité psychique d'un tel mouvement est la figurabilité, et son accomplissement, le travail de figurabilité dans lequel la régrédience de la pensée de l'analyste produit une "figure" qui ouvre la séance à une intelligibilité de la relation entre les deux psychismes fonctionnant en état régressif. L'aboutissement de ce travail en double est révélateur de ce qui, existant déjà chez l'analysant en état non-représentable, en négatif du trauma, peut enfin accéder à la représentation.
C'est sur cette dynamique du double que se centre la deuxième partie, qui s'intéresse à la carence auto-érotique du paranoïaque avant de présenter les caractéristiques du travail en double (reprise de l'article de 1995 sur la dynamique du double en séance publié dans une Monographie de la RFP consacrée au Double). La pensée animique permet de comprendre la double conviction "seulement dedans –aussi dehors" qui consiste à nier la perception de l'objet pour pouvoir l'investir dans la représentation, condition pour le retrouver dans la perception selon le double mouvement constitutif de l'épreuve de réalité. Dans certaines cures, la communauté dans la régression de la pensée peut aller jusqu'à un état pré-animique. L'analyse du fondement négatif du trauma, qui ouvre la troisième partie, permet de mieux saisir la problématique de l'hallucinatoire qui s'y trouve développée tandis que la quatrième partie propose une approche psychanalytique de la perception qui nous ramène à l'objet perdu de la satisfaction hallucinatoire et plus particulièrement à la trace originaire du manque. La prise en compte de l'hallucinatoire oblige ainsi à renouveler et à complexifier notre conception des rapports entre le perceptif et la causalité psychique.