La clinique de Winnicott, ed Campagne première, 2013, ISBN : 978-2-9157-89423.
Ce livre est issu d’un long travail en séminaire animé par l’auteur qui est psychanalyste à la SFP. C’est en tant que clinicienne qu’elle rend compte de l’œuvre de Winnicott, qu’elle présente d’abord comme un clinicien, doté d’une capacité exceptionnelle d’entrer en contact avec les enfants. 60.000 familles et enfants pendant quarante ans de consultations thérapeutiques !
Les chapitres déclinent les différents aspects de l’œuvre de Winnicot, sa théorie et sa pratique. Le lecteur y trouvera la consultation thérapeutique, le squiggle, le père, la famille, la tendance anti-sociale et la déprivation, l’agressivité et la destructivité, l’adolescence, la régression, l’espace de jeu et la cure. L’ensemble est une excellente introduction à Winnicott pour ceux qui ne le connaissent pas et un très bon complément pour ceux qui le connaissent. L’auteur nous donne des exemples concrets de Winnicott dans sa pratique et elle fait un portrait vivant d’un être très humain, clinicien hors pair, théoricien toujours original.
Elle dénonce au passage certaines idées reçues, voire des reproches, à l’égard de Winnicott. Il aurait négligé le père, alors qu’en fait il lui fait bien une place, mais celle d’un « « père paternel et non un-père-qui-remplace-la mère ». Pour la famille, en décrivant le contexte contemporain et à l’aide d’exemples cliniques issus de sa pratique, Laura Dethiville montre que les idées de Winnicott continuent d’être très utiles. Mais c’est avec l’enfant ou l’adolescent antisocial, que Winnicott a apporté des idées vraiment originales. Elle nous décrit comment ces prises en charge d’enfants très en difficulté s’inscrivent dans le contexte historique du plan d’évacuation de Londres pendant la guerre, qui a produit de nombreux traumatismes.
La question de la destructivité donne lieu à une mise au point très utile, pour éviter les malentendus sur la conception de Winnicott de l’agressivité. On sait que Winnicott n’a jamais accepté la notion de la pulsion de mort et que c’est un point de désaccord avec Mélanie Klein. Par rapport à ces situations antisociales, Winnicott préconise des solutions institutionnelles, valorisant, comme dans toute son œuvre, l’importance et l’apport de l’environnement.
La régression concerne des « organisations en faux-self », qui protègent de la psychose et du morcellement. A la suite de Ferenczi, Winnicott avait une grande capacité à tolérer, voire à favoriser, de profondes régressions au cours de la cure de certains patients. Et il montre comment une des conditions de ces situations où le thérapeute se trouve dans « une position semblable à celle de la mère d’un nouveau-né » est que le patient puisse compter sur la fiabilité du thérapeute, qui doit être à toute épreuve.
On termine avec un aspect beaucoup plus connu de l’oeuvre de Winnicott, celui du jeu. On sait que Winnicott était un grand joueur, dans la vie comme dans son travail, et qu’il considérait la thérapie comme une forme de jeu, favorisant la créativité réfléchie en miroir. Il s’engageait dans ce travail, aussi bien avec les adultes que les enfants, car « ce qui compte ce n’est pas ce que l’analyste fait, mais ce qu’il est ». C’est ce Winnicott-là que nous donne à voir Laura Dethiville dans ce livre.
03.12.2014