Dans la cure analytique, la «fausse liaison» de l’amour révèle une causalité sauvage, qui suscite la figure de Lucifer-Amor. Dès lors, il faut démystifier l’amour qui «n’est rien d’autre que» sexualité, fausse liaison, leurre… Cette expression : «l’amour n’est rien d’autre que… » est issue de l’Ethique de Spinoza : «L’amour n’est rien d’autre qu’une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure». Lorsqu’on sait l’importance de la Joie chez Spinoza, il est possible de discuter qu’il s’agisse là d’une «destitution de l’amour». Quoi qu’il en soit, Monique Schneider relit les textes freudiens et spinozistes dans cette perspective d’un rabaissement de l’amour qui exorcise sa force diabolique par un éclaircissement de ses mécanismes.
Elle dialectise cette interprétation par une seconde figure du grand siècle : Racine. Dans le théâtre racinien l’apparition de l’amour est corrélée à «l’interdit de naître» et notamment de naître légitimement de deux parents humains. La sommation amoureuse est en revanche, régulièrement, tentative de réparation d’une injustice antérieure. Une démonstration assez magistrale, au fil des pièces de Racine jusqu’à Phèdre, «la fille de Minos et de Pasiphaé» décline cette configuration de l’univers tragique et les issues relatives trouvées dans Esther et Athalie.
La fin du livre revient à Freud, et la façon dont il s’explique avec le commandement de l’amour du prochain, à la lumière de ces études philosophique et littéraire fortes et subtiles, de lecture difficile, parfois discutables dans leur unilatéralité, toujours suggestives.