La première partie de l’ouvrage est issue du Colloque autour de l’œuvre de Jean Guillaumin, organisé par le Cercle d’Études psychanalytiques des Savoie à Annecy le 21 avril 2001. Jean Guillaumin ayant publié près de cinquante livres et plus de deux cents articles, la matière ne manquait pas et le risque d’exposés trop touffus pour être assimilables est heureusement évité par les axes précis choisis par les intervenants. Christian Vasseur présente l’ensemble de l’œuvre sous le titre « Du rêve à la transmission ou de Nessos à Chiron » ; Alain Ferrant s’attache au « reste de terre » dans le processus créateur, traitant non seulement du pôle corporel (à côté des considérations topiques et des retournements dynamiques) mais de la part de la honte, tandis que Michèle Demeure rend compte de l’approche de l’adolescence « entre investissement et désenchantement », avec d’intéressantes réflexions sur la post-adolescence. Puis Christine Lamothe évoque l’impensé du contre-transfert à propos de la cure de l’Homme aux Loups, prenant appui sur la façon dont Jean Guillaumin prête à Freud des représentations d’attente pour ce qu’il ne peut encore penser cliniquement. Cette deuxième partie du colloque fait largement place au négatif : Geneviève Bourdellon s’intéresse à l’ouverture par le négatif du travail psychique, dans son caractère indéfini (fini ou infini ?) ; Denise Colin-Rothberg étudie le développement de la notion d’après-coup dans l’ouvrage Entre blessure et cicatrice. Mais il faudrait naturellement, pour rendre justice à l’ouvrage, évoquer les discussions de ces exposés que la publication a heureusement choisi de nous faire connaître.
En seconde partie, l’ouvrage propose des entretiens et interviews de Jean Guillaumin lui-même, notamment sur l’écart entre pensée psychanalytique et pensée médicale et sur l’émergence de l’interprétation à partir de l’attention flottante et de « l’auto-érotisme d’écoute ». L’étude par Bernard Brusset du livre que Jean Guillaumin a consacré à sa conception très élaborée de l’objet met en évidence les rapports entre l’objet interne, celui de la pulsion et du fantasme et l’objet externe comme pôle d’investissement dans la réalité et souligne ce qui caractérise l’objet de la perte. Attentif aux questions de la transmission comme au point de vue économique, Jean Guillaumin poursuit dans ce livre son interrogation sur les limites du représentable. Dans la cure, l’objet organisateur inaperçu sous-tend l’expérience intersubjective au niveau du « sens en souffrance », « énigme de la douleur ». La psychanalyse offre une voie de représentation à l’irreprésentable objet de la douleur par une sorte d’implantation transférentielle de l’analysé dans la matérialisation pour lui de l’appareil psychique de l’analyste, permettant d’opérer bribe par bribe le retournement de sa préhistoire et la transformation de son histoire obscure en un projet fantasmatique d’histoire par effraction dans l’histoire (et la préhistoire) d’un autre.
Collaborateurs : Geneviève Bourdellon, Janine Chasseguet-Smirgel, Denise Colin-Rothberg, Michèle Demeure, Jacques Dufour, François Duparc, Alain Ferrant, Tebaldo Galli, Jacqueline Godfrind-Haber, Jean Guillaumin, Jean-Baptiste Guillaumin, Christine Lamothe, Nicos Nicolaïdis, Michèle Perron-Borelli, René Roussillon, Marie-Lise Roux, Marielle Sœur, Christian Vasseur, Henri Vermorel.