Je parle aux murs rassemble une série de trois courts exposés inédits de LACAN, prononcés à la chapelle de l’hôpital Sainte Anne, en marge de son séminaire « Encore », entre Novembre 1971 et Janvier 1972. Un des intérêts de ces inédits est que, destinés à un public d’internes en psychiatrie, la forme en est plus libre et plus didactique (plus compréhensible ?) que dans les séminaires. Ils permettent aussi de saisir un moment de transition dans son œuvre, qui marque un décalage par rapport à Freud. A ce point s’introduisent des développements vers la topologie et les nouages borroméens.
LACAN met en doute l’idée de FREUD que les résistances à la psychanalyse procèderaient de ce qu’elle porte atteinte au narcissisme de l’individu. Ce qui ne passe pas, c’es « une subversion dans la structure du savoir ». S’il prétend l’inconscient structuré comme un langage, c’est à considérer que pour que langage il y ait, il faut pouvoir y distinguer le code du message. La parole ne dit la vérité qu’en disant : « Je mens ».
Et lorsque FREUD face à la compulsion de répétition évoque un au delà au principe de plaisir, LACAN lui oppose qu’un « principe où il y a un au delà, n’est plus un principe » Tout serait à rebâtir. Pourquoi se demande-t-il être allé chercher ce signifiant plein d’ambiguïtés de « l’instinct de mort » plutôt que d’y introduire « la jouissance » ? Le lien entre la parole et la jouissance, sur quoi porte l’interprétation psychanalytique, passe par le réel du corps ; ce réel, toujours manqué, impossible à écrire, d’où sa formule d’un rapport sexuel qui n’existe pas.
Une attente déçue, celle d’atteindre la vérité par le savoir est au cœur de l’incompréhension mathématique : « Les sujets en proie à l’incompréhension mathématique attendent plus de la vérité » et de la simple démonstration logique. Le doute, la bivalence entre vrai et faux les laisse en déroute ; d’autant que les mathématiques s’occupent d’énoncés dont il est impossible de dire s’ils ont une vérité.
Car la vérité est ce qui approche le réel du côté du langage. Mais la parole ne peut que « mi-dire » laissant toujours échapper cet objet inexistant que LACAN appelle « a ». Si elle ne peut dire complètement la jouissance, elle en assure cependant la dimension de vérité « en en forgeant du semblant » ; un discours. Or le réel est inapprochable sauf par une voie mathématique.
LACAN l’illustre de la figure de la bouteille de Klein, pour en remarquer la caractéristique principale, que sur l’ensemble de sa surface chaque point peut devenir le point de réversion de la surface en elle-même. Et qui se en apparence « entre l’homme et la femme, l’amour ça fuse », ça devrait communiquer sans limites, la castration, elle, est là présente en tout point, au cœur, de ce qui les réunit. Entre l’homme et la femme, entre l’homme et le monde, il y a un mur.