Décapant… ! C’est en effet d’une manière provocante et puissante que Pierre Fédida aborde lors de son dernier séminaire dispensé dans les années 2001-2002, la question « des facteurs d’affaiblissement de la pratique analytique ». Assez des inférences intersubjectives qui évacuent le transfert comme « processus psychique puissant » et assez de cet inconscient rendu « allégé » ! P. Fédida articule sa réflexion autour de la notion d’humain et de déshumain, du semblable et du dissemblable, la déshumanité concernant « la destitution d’une ressemblance du semblable ». Alors, comment se représenter ce déshumain et s’identifier à des patients ayant vécu des situations de « déshumanité » (phénomène d’anéantissement par exemple) ? Il ne s’agit pas, dit l’auteur, d’être en empathie avec l’horreur mais de « savoir en quoi ce qui est horrible défait nos propres représentations.»
Le mot d’ordre transmis par P. Fédida aux analystes est « Imaginez ». Laissons nous déformer dans nos représentations par le symptôme, produisons des images qui soient des interlocutrices de celui-ci. Pour ce faire, accueillons au décours de la parole ce qui rend possible la psychanalyse, « l’inquiétante étrangeté » (Freud), manifestation du dissemblable dans le semblable, car si l’analyste est « dans une familiarité du semblable, il est dans une pratique de la théorie du Moi » et de surcroît d’un Moi qu’il pense synthétique. Or, nous dit Fédida, « la grande découverte de la psychanalyse est de reconnaître que ne sommes pas un Moi synthétique, que nous sommes nécessairement en deux, ou deux », en clair nous sommes clivés ! Or, pour l’auteur, pas d’identification sans clivage dans la mesure où celle-ci suppose constamment le mouvement de désidentification. Le fil de l’identification se tisse avec celui de la présence comme « manifestation des survivants ». Fédida attribue à la mélancolie une place centrale dans la psychanalyse qui concerne plus la disparition que le deuil. « Ne nous laissons pas enfermer » dit-il « dans une problématique de l’objet et de la perte ». Outre sa capacité à accueillir l’inquiétante étrangeté, il faut ajouter à la palette de l’analyste celle de savoir animer l’inanimé : être animiste. Attention au psychocentrisme (Ferenczi), interrogeons le modèle familialiste de la névrose infantile (Deleuze) et ne nous accrochons pas à des reconstructions en cours d’analyse qui se voudraient historico-objectives comme si « le fait de savoir permettait de construire la vérité psychique ». P. Fédida affirme avec Lacan qu’il n’y a pas de récit sexuel et que le « fracas sexuel » (Blanchot) exclut le récit. Sachons, dit-il, comme M. Klein, « entendre où çà fait du bruit ». S’ensuivent plusieurs articles très intéressants de différents auteurs qui reprennent, critiquent, ajustent et poursuivent des pensées de Fédida.