Les éditions Ithaque continuent de publier des traductions d’auteurs anglo-saxons contemporains peu connus en France, en particulier post-freudiens et post-bioniens. Parallèlement, un certain nombre d’ouvrages de psychanalystes français (André Green, les Botella, Laplanche, Piera Aulagnier, De M’Uzan, ) sont traduits en anglais, ce qui permet de corriger la vision stéréotypée et réductrice de part et d’autre, comme le fait remarquer Dominique Scarfone dans sa Préface. Non, la France n’est pas que le pays de Lacan, et les USA ne se réduisent pas à l’Ego Psychology.
Voici donc le premier ouvrage à être traduit en français du psychanalyste américain Howard B. Levine, qui justement s’est beaucoup intéressé à des courants divers de la psychanalyse- freudiens, kleiniens, winnicottiens, bioniens, psychosomaticiens français ou américains, relationnels etc.
Levine est psychanalyste superviseur à l’Institut de psychanalyse du Massachusetts et professeur à l’Institut psychanalytique de la Nouvelle Angleterre.
« Existe-t-il un vécu, provenant sans doute du soma, de la période préverbale de l’enfance ou d’états traumatiques, qui est inscrit quelque part, d’une façon ou d’une autre, mais qui n’est pas encore représenté psychiquement ? » C’est sur cette question que s’ouvre l’ouvrage et c’est elle qui sera le fil directeur de tous les chapitres.
Lévine s’intéresse à ce qui n’est pas encore représenté, les expériences à l’état brut en état d’incomplétude qui attendent l’acte transformationnel de complétion. Levine associe les idées de Freud sur la représentation avec celles de Green, qu’il cite et commente abondamment, puis avec Bion, Botella et Piera Aulagnier « afin de proposer une théorie psychanalytique à deux voies (two-track theory) avec la perspective d’étendre la portée et l’application de la pensée psychanalytique au-delà de la névrose ».
Dans leur démarche thérapeutique, les analystes doivent participer à des processus dialogiques et interactifs, où on ne sait plus ce qui appartient auquel des deux.
Des cas cliniques viennent illustrer ces réflexions théoriques, où Lévine montre comment les interactions intersubjectives et transformationnelles amènent à valoriser l’aspect narratif et métaphorique de l’interprétation, car la métaphore, qui reste énigmatique, continue à faire travailler la psyché du patient. La métaphore est le lieu de ce que Lévine nomme une situation épistémologique fondamentale. Il rapporte que Bion proposait parfois au patient une interprétation que celui-ci ne pouvait pas comprendre, mais vers laquelle le patient pourrait évoluer. Tout comme Picasso avait peint un portrait de Gertrude Stein qui ne lui ressemblait pas, mais « Un jour, il lui ressemblera ».
L’intérêt de cet ouvrage ce sont ces croisements entre courants psychanalytiques dynamiques, de part et d’autre de l’océan, ce qui fait que Scarfone a intitulé sa Préface, « An American in Paris »
Simone Korff Sausse