Cet ouvrage très attendu est paru en décembre 2018 aux PUF. A partir d’un recueil d’articles et de conférences allant de 1985 à 2005, ce travail retrace le cheminement de la pensée de l’auteur, une pensée clinique à la fois vivante et actuelle. Il constitue un véritable manuel de référence sur l’autisme, tout autant que sur le développement précoce. Bernard Golse, soutenant la richesse scientifique de l’œuvre de Geneviève Haag, préface cet ouvrage. Il souligne le coté innovant de l’ensemble de ces travaux, ayant permis de renouveler de nombreux concepts cliniques. Ces recherches donnent une place tout à fait légitime à la pensée psychanalytique dans ce monde particulier de l’autisme, tout autant que dans les psychothérapies d’enfant, et confèrent à l’ouvrage en plus de sa valeur scientifique évidente, une dimension politique indispensable à l’heure actuelle.
A la suite des travaux des analystes post kleiniens, et à l’appui de nombreux travaux récents, dans le champ de la psychanalyse, mais aussi en dehors, en particulier celui des neurosciences, on assiste à l’élaboration pas à pas, de concepts fondamentaux, inscrits dans une expérience clinique très riche et bien documentée. Lorsque les processus pathologiques sont installés, mais aussi au moment où l’issue se profile, la finesse des observations cliniques justifie la nécessité d’une présence attentive et soutenante dans les pathologies les plus graves. La clairvoyance de ces observations débouche sur des progrès conceptuels indéniables, notamment sur le rôle de l’objet dans les processus autistiques. A partir de là sont possibles des ajustements féconds. Ainsi les avancées théoriques vont de pair avec la possibilité d’avancées cliniques.
L’expérience clinique très solide de l’auteur explore la préhistoire de la construction du Moi, en particulier la place centrale de cette inscription corporelle dans la construction de la psyché. De nombreux concepts essentiels sont développés dans cet ouvrage. Ils offrent tour à tour une place pour penser la sensorialité, la trace, le non verbal, les images mentales, les boucles de relation, en lien avec l’ancrage corporel précoce. L’importance de l’axe, de l’hémicorps, de la peau, du regard, de l’espace et du groupe, sont tout aussi essentiels. Les processus premiers d’identifications en jeu dans le moi corporel sont détaillés à la loupe. Chemin faisant, l’importance de la contenance, des combinaisons d’une perspective à l’autre, sont également mis en évidence. De même, au cours du développement, la place de la temporalité, du rythme, du geste, du mouvement, y compris pulsionnel, est tout à fait capitale. L’écoute du corps, dans ces contextes de désorganisation extrêmes, offre la possibilité de penser le symptôme, le geste, comme pourvu de sens. Plutôt que de risquer de rester piégé dans ces boucles répétitives menant à l’impasse, risque transférentiel majeur, ce langage du corps, qui s’exprime sans doute bien avant qu’il puisse être adressé, sera susceptible d’être traduit, fournissant ainsi une nouvelle donne dans ces contextes cliniques difficiles.
Au-delà de la clinique spécifique de l’autisme, cet ouvrage constitue véritablement une référence indispensable, non seulement dans la clinique de l’enfant, mais pour tous les cliniciens qui, dans leur pratique quotidienne, acceptent de considérer la psyché en développement, c’est à dire gardent confiance dans sa générativité.
Armelle Hours