La dernière nouveauté de la correspondance de Freud vient de paraître : ses courriers, soixante-seize en tout, à Jeanne Lampl-de Groot dont deux ont été inaccessibles jusqu’en 2008. Malheureusement, il n’y a pas les lettres de Jeanne car Anna Freud les a détruites après l’annexion de l’Autriche, soi-disant selon le désir de Jeanne.
Jeanne naquit, la troisième d’une fratrie de quatre filles, le 16.10.1895, la même année d’ailleurs qu’Anna, à Schiedam aux Pays-Bas. La plus jeune sœur mourut quand Jeanne eut 6 ans, événement au sujet duquel elle publia un article à l’âge de 80 ans en anglais : « mourning in a 6 year-old girl ». Après sa thèse de médecine, elle s’adressa à Freud pour entreprendre une analyse qui commença plus tard que prévue en 1922 après un long voyage en Italie. Publiés par l’éditeur, les extraits de courriers adressés à ses parents nous apprennent comment elle a vécu son analyse, et son séjour à Vienne dans le contexte politico-social d‘après-guerre. A plusieurs reprises, elle dut défendre son analyse et Freud auprès de son père qui a financé celle-ci ainsi que le séjour à Vienne. En même temps, Jeanne se spécialisa en psychiatre chez Wagner-Jauregg à Vienne. Une fois sa formation terminée, elle s’installa à Berlin comme psychanalyste et se maria avec Hans Lampl, juif viennois, également médecin. Plusieurs fois au fil des années, Jeanne souhaite reprendre son analyse pour se perfectionner. A propos d’une tranche supplémentaire avec un autre analyste, Freud remarque sa lettre du 22.8.1938 : « Comment mes analyses antérieures étaient incomplètes ! »
Le courrier de Freud est particulièrement dense dans les années 1930-1932 : il nous fait part de ses problèmes de santé, donne des conseils à Jeanne par rapport aux troubles psychiques de son mari, qui fut très jaloux, et s’intéresse aux deux filles du couple. En 1933, la famille quitta Berlin et retourna à Vienne jusqu’en 1938 pour aller à La Haye chez la mère de Jeanne. Marie Bonaparte intervint non seulement pour Freud mais aussi pour Jeanne. Après la libération, Jeanne contribua au développement de la psychanalyse hollandaise et internationale. Elle nous a laissé plus de 40 publications, la plupart écrites en anglais. Elle garda toute sa vie son amitié avec Anna Freud et connut, entre autres, Serge Lebovici. De renommée internationale, elle reçut le titre de vice-présidente honoraire de l’API. Elle mourut le 4.4.1987.
Hélas ce livre passionnant n’existe qu’en hollandais et en allemand.
Rénate Eiber