Ecrit avec beaucoup d’humour, l’auteur tente de faire un lien entre la vie de Freud et son œuvre ; à savoir celle-ci est basée sur l’expérience de sa vie quotidienne et sa condition d’homme.
Dès sa tendre enfance, Freud fréquente le fameux Prater, parc d’attraction, et jeune chercheur il testa l’effet de la cocaïne sur le vertige en y montant aux manèges. Il eut d’ailleurs le goût des hauteurs dont les rêves de flottement en sont l’expression. Le vertige en tant que symptôme, équivalent de l’angoisse, y trouve son origine et le surmonter permet d’éprouver du plaisir. Ce fait explique l’engouement, autant des enfants que des adultes, pour les fêtes foraines ; mais pour que cette angoisse primitive puisse être expérimentée cela nécessite une base de sécurité stable.
D’une manière générale, le besoin d’accrochage et la peur d’être abandonné (lâchage, désinvestissement, rupture, perte) sont en étroite interdépendance, et en particulier les vertiges et le vécu infantile précoce de l’homme Freud.
Un autre domaine plaisant de la vie est la littérature qui a toujours intéressé Freud depuis son plus jeune âge. Il y chercha à comprendre les énigmes et conflits de la vie. L’intérêt pour la littérature peut être considéré comme la quête de soi. La littérature, où l’affect joue un grand rôle, et l’œuvre de Freud s’influencent de façon réciproque. La littérature confirme les découvertes freudiennes, entre autres les désirs meurtriers, couverts par le travail de culture et le travail de rêve. Le grand intérêt pour la littérature réside dans l’apprentissage de ce que nous ignorons de nous-mêmes.
Les mêmes mécanismes que le travail de rêve sous-tendent la création littéraire en tant que formation de compromis établissant une continuité entre conscient et inconscient ; ce dernier étant la source commune de la littérature et de la psychanalyse.
En revanche, la musique, en rapport avec l’écoute, comme la psychanalyse, renvoie au féminin et au maternel que Freud récuse de reconnaître en lui, à l’origine de son ‘insensibilité’ à la musique comme une défense contre la séduction maternelle précoce à travers la voix maternelle. Dans ce contexte, les berceuses, dont Freud fut fin connaisseur, chantées par sa mère jouèrent un rôle important.
Un fait intéressant est la simultanéité de la naissance de la psychanalyse et le cinéma, le septième art, tous deux sous-tendus par la scène. « Les mystères d’une âme », film réalisé en 1925-26 par Pabst entraina la méfiance de Freud et la ‘transgression’ des fils spirituels. Freud ne voyait pas dans le cinéma reproduire l’activité représentative et fantasmatique alors qu’il invita ses patients à ‘laisser défiler les images’.
Freud fut très tôt sollicité par le cinéma ; se montrant cependant réservé à la suite du constat d’une appétence de ses disciples à se voir couchés sur la pellicule. Cela entraina bien des embrouilles. Il est remarquable qu’aucun psychanalyste de l’époque n’eût effectué une étude sur cet art naissant. Une explication du désintérêt pour le cinéma serait le fait suivant : la nécessite de renoncer au visuel pour faire advenir la pensée verbale.
Dans le domaine des plaisirs oraux, est peu connue la dégustation des vins, notamment italiens, au moment de son auto-analyse après le décès de son père. Ce serait le lien fantasmatique à la mère qui se révélerait à travers l’Italie et ses vins. La consommation du vin aida également Freud à surmonter le bouleversement dû à ses découvertes, lorsqu’il rédige l’Interprétation des rêves par exemple.
Le plaisir lié aux animaux ne survint que tard dans la vie de Freud, par un chien qu’il offrit à sa fille Anna, chien qui assista aux séances d’analyse. Ainsi commença sa cynophilie. Cependant l’identification canine a ses racines dans sa jeunesse. Il connait des joies et des souffrances avec ses chiens dont la disparition fait écho à celle de proches ; substituts d’enfants perdus, mais aussi complices et collaborateurs et sans ambivalence comme dans la relation de la mère à son enfant mâle.
Rénate Eiber (Mars 2022)