La psychiatrie va mal, entendons-nous dire souvent, mais rares sont les témoignages qui authentifient avec force une telle assertion. Le livre de Catherine Herszberg, Fresnes, Histoires de fous, fait partie pourtant de l’un de ses ouvrages qui laisse un profond sentiment de malaise face au constat alarmant selon lequel : « la prison est devenue un asile psychiatrique ».
Journaliste indépendante, Catherine Herszberg s’est ainsi immergée pendant quatre mois dans le service médico-psychologique régional (SMRP) de la prison de Fresnes – considérée pourtant comme l’une des prisons les mieux loties de France au niveau de la mise en place d’un service de psychiatrie, en milieu carcéral – pour finalement y découvrir les graves dérives actuelles concernant la pénalisation de la maladie mentale. S’appuyant tout au long de son ouvrage sur différents rapports émanant aussi bien des ministères de la Justice que de la Santé, de commissions d’enquête mandatées par le Sénat, d’études épidémiologiques ou statistiques établies par l’observatoire international des prisons, d’ouvrages ou d’articles récents sur ce thème, son livre s’inscrit comme un « récit clinique » où chaque chapitre se voit être l’objet d’une observation sensible de la « folie » humaine dans toutes ses dimensions : celle de la maladie mentale, en premier lieu, avec son cortège de signes cliniques si pathognomoniques de la psychose (la dissociation de la personnalité, les hallucinations, le délire, la persécution…), celle des quelques soignants (psychiatre, psychologue, infirmier psychiatrique, assistance sociale…) confrontés cruellement au manque de moyens pour endiguer de tels phénomènes dans un service pénitentiaire, celle de la déraison de la justice actuelle qui plutôt que de mesurer les effets délétères de la pénalisation comme réponse univoque à la maladie mentale, poursuit sa politique de collusion entre psychiatrie et répression judiciaire.
Le constat est éloquent avec une véritable analyse des effets « pervers » de cette situation : les cas les plus lourds en psychiatrie seraient aujourd’hui mieux en prison qu’à l’hôpital psychiatrique, étant donné le manque de moyens pour garder (seulement garder ?) « les fous » dans les structures de soins actuelles. Retraçant, dans la fin de son ouvrage, quelques données historiques pour mieux comprendre les enjeux actuels de cette situation dramatique, elle décrit les effets pernicieux de la réforme législative de 1994 de l’article 64, transformé en article 122-1, celui-ci engageant un flou dans la définition de « l’irresponsabilité pénale » ou encore le manque de formations (la complicité ?) de certains experts-psychiatres actuels. Dans ce dernier passage, Catherine Herzberg tire, peut-être un peu vite, certaines conclusions sur l’ensemble des « psys » qui auraient favorisé ce mouvement, en mettant dans le même panier le mouvement d’anti-psychiatrie des années 70, les thèses de M. Foucault et… la psychanalyse. C’est le seul bémol que l’on peut faire à ce livre engagé, lucide et effroyable sur le « malaise dans le civilisation » que notre société traverse en reléguant les fous dans des cachots d’un autre siècle, avec la complicité idéologique sécuritaire du moment, au risque d’une véritable entreprise de déshumanisation…