La projection, au sens littéral « jeter devant soi », conjugue deux sens : une mésinterprétation de l’activité mentale (rêves ou hallucinations) et un processus qui localise dans des objets externes des réalités internes.
Relisant les textes freudiens consacrés à la projection, Bernard Chervet distingue l’existence d’une projection normale, d’une projection névrotico-phobique, d’une projection « narcissique » et d’une projection délirante. Selon C. Delourmel, le mécanisme de défense du moi devient un élargissement du moi dans une dynamique régrédiente-progrédiente constitutive des premières différenciations (dedans / dehors, sujet / objet). Perte de réalité au profit d’une vision de la réalité convenant mieux au narcissisme d’un moi en difficulté, la projection d’aspects de soi est précédée par le déni ou la dénégation. La projection d’objets internes attribue à quelqu’un de l’environnement des sentiments dirigés contre soi qui proviennent, historiquement, d’un objet externe d’autrefois qui a été introjecté.
Dialectique autour des figures de la projection et de l’a-projection, cette monographie consacre un artice au concept de projection dans la pensée freudienne (B. Chervet), un autre aux kleiniens et post-kleiniens (C. Athanassiou). Choisissant le terme heureux de « projection identificatoire », Florence Guignard expose les différentes figures de la projection au regard de l’identification, tandis que Christian Seulin les rapporte au transfert et que Christian Delourmel envisage ses enjeux du point de vue des fondements du psychisme. Claude Balier et André Ciavaldini rendent compte des possibilités de dérive pathologique violente.
C’est de carence projective qu’il convient de parler pour l’autisme infantile (D. Ribas), ce qui manifeste à quel point il s’agit dans la capacité projective de vie ou de mort psychique ; le fait somatique suppose également des interrogations sur la projection ou le défaut de projection (M. Jung-Rozenfarb), à partir de la prise en compte du désordre perceptif inhérent à l’atteinte somatique. La projection est incontestablement à l’œuvre dans le travail de l’artiste, mais peut-on cerner, à partir de la médiation des créations artistiques, les contours de ce concept (M. Gagnebin) ? Les œuvres valorisant la part culturelle de l’ego alter seraient porteuses de rythmes, tandis que d’autres seraient bouleversantes en ce qu’elle font percevoir la rencontre de l’autre radical, rééditant la confrontation à l’objet primaire.
Ce riche ensemble s’achève par la reprise de larges extraits du texte princeps de Victor Tausk « De la genèse de “l’appareil à influencer” au cours de la schizophrénie ».