Daniel Tammet est capable de réciter de mémoire les 22 514° premières décimales du nombre pi (3,141…) ! Mis au défi, cet homme élevé dans la langue anglaise a appris à parler couramment le finnois (une langue à tous points de vue radicalement différente) en moins de 3 semaines. Comment s’y prend-il ? Savoir qu’il est reconnu par ailleurs comme « Autiste de haut niveau » ou bien « d’Asperger » ne fait que renforcer notre curiosité.
Dans un premier livre déjà (Je suis né un jour bleu) il racontait son expérience personnelle. Avec Embrasser le ciel immense, Daniel Tammet cherche non seulement à nous faire comprendre les mécanismes étranges de sa pensée, mais de plus, à nous les rendre familiers comme faisant partie de nos propres mécanismes de pensée ; il s’attache du même coup à en réduire l’étrangeté. On pourrait dire qu’avec ce livre son ambition rejoint celle du Freud des débuts qui postulait une pensée commune à la base des comportements les plus étranges.
Comment pense-t-il ? Par formes, textures, colorations qui se chargent de significations variables et transformables. On retrouve là l’accrochage de la pensée autistique au concret de la sensorialité. Mais Tammet va plus loin en suggérant que ce mode de pensée trouve une base physiologique dans la capacité du cerveau à établir des synesthésies ; ces liens et relations qui se font, différentes chez chacun tant en qualité qu’en intensité, entre des éprouvés sensoriels, les représentations de choses et les représentation de mots. Tout se passerait comme si chez lui, les représentations de choses travaillaient à un pur niveau sensoriel, indépendamment de leurs représentants symboliques. Tel nombre complexe devient ainsi une forme colorée composée d’éléments disparates correspondant chacun à un chiffre ou un groupe de chiffres particuliers et qui peuvent se combiner.
Ce type de pensée par opérations sur des images sensorielles, pour étrange qu’il puisse paraître, est pourtant présent chez tout un chacun à un niveau habituellement totalement inaccessible à la conscience. C’est tout l’intérêt du livre de Daniel Tammet de nous donner à percevoir et à comprendre comme évident cet intense travail de la pensée qui sous-tend la « pensée de rêve ».