Une exceptionnelle vignette clinique relatée dès le premier chapitre constitue le noyau de l’ouvrage en illustrant la thèse de J. P. Lehmann à savoir que l’échec de l’élaboration de la position dépressive a chez la fille des répercussions tant au niveau du masochisme dit féminin – lequel deviendrait alors pathologique –, qu’au niveau du destin de sa féminité. Autour de ce noyau s’enroulent différents thèmes y ayant trait tels que les passions amoureuses, le masochisme féminin bien sûr, l’expérience mystique et pour terminer, une étude « Comment la féminité vient aux filles ? » qui fait boucle avec le premier chapitre puisque c’est de façon exemplaire que le cas clinique illustre ce que Winnicott dit du féminin au travers d’articles dont J. P. Lehmann nous offre une étude quasi exégétique. Ce cas clinique est le récit d’une tranche d’analyse qu’Isabelle effectue avec J. P. Lehmann qui a, entre autres spécificités, leur utilisation intensive d’échanges par mail. Cette nouvelle tranche fait suite à un travail analytique qu’Isabelle avait effectué avec Carmen, qui deviendra une histoire de « folie à deux ». Cette vignette ouvre l’auteur à une réflexion approfondie sur différents types de régressions dont les « malignes » à partir des textes de Balint, Masud Khan, Harry Guntrip. S’ensuit une étude sur les transferts délirants à partir des textes de nombreux analystes et des difficultés contre-transférentielles qu’ils entraînent dans cette « lutte du patient et du thérapeute pour se rendre mutuellement fous » (Searles). L’auteur va ensuite se promener dans de nombreuses allées littéraires pour y repérer ce qui a trait aux passions amoureuses puis s’intéresse à ce qu’en disent les psychanalystes. Une caractéristique de cet ouvrage est le côté pédagogique « fiches de lecture » que nous propose l’auteur au moyen d’extraits de ses très nombreuses lectures concernant les thèmes traités. Ainsi pour le chapitre traitant du masochisme féminin, l’auteur fait-il parler longuement les livres des femmes qui entouraient Freud et qui, comme l’écrivait H. Deutsch, soutenaient qu’« un lien étroit associe la féminité à la passivité et au masochisme », point de vue réfuté par de nombreux autres analystes des générations suivantes. Pour l’auteur, les difficultés très fréquentes d’élaboration de la position dépressive peuvent accentuer les traits du masochisme féminin chez un certain nombre de femmes. Il poursuit sa réflexion en étudiant la mystique, expérience qui se décline souvent au féminin, dévoile « une jouissance propre au féminin » et « nous permet de mieux discerner les proximités et différences du masochisme moral et du masochisme féminin » Avec le dernier chapitre « comment la féminité vient aux filles ? », J.P. Lehmann s’efforce d’éclaircir cette « question encore obscure » au travers de ses lectures analytiques qui parfois s’opposent. Puis, s’appuyant sur les écrits de Winnicott, il tente de « repérer la mise en œuvre des éléments tant féminins que masculins au cours de l’élaboration de la position dépressive » avant de nous inviter à « chercher en quoi les processus propres à cette élaboration peuvent jouer un rôle dans le destin de la féminité des filles et s’ils peuvent être déterminants dans la formation d’un masochisme féminin distinct du masochisme moral » (p. 204).
Développements de la clinique de Winnicott-Avatars des régressions et masochisme féminin
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