Il serait caricatural selon Jacques André de réduire la question du désir d’enfant chez Freud à celle de la transposition des pulsions par laquelle la fille peut «glisser le long d’une équation symbolique du pénis à l’enfant», car en arrière plan des mouvements œdipiens se déploie la Terra incognita des premières amours tumultueuses de la mère et de sa fille.
Or le perfectionnement des techniques de la procréation médicalement assistée tend à court-circuiter les systèmes de défense des futurs parents en prenant en quelque sorte au pied de la lettre leur demande. Jean François Daubech, à partir d’une riche expérience clinique de consultations pré-implantatoires, nous rappelle que la demande d’enfant est par essence une demande sexuelle qui soulève de ce fait des représentations intolérables, touchant en particulier au sexuel maternel, et dont les effets diffèrent selon le sexe du parent concerné. A ce titre l’enfant à venir peut devenir persécutoire pour ses parents.
C’est la figure mythologique de Jocaste qui permet à Amalia Guiffrida de structurer la conflictualité de la relation mère-fille autour de l’idée de l’excès comme marque caractéristique du féminin. Dans cette logique, le désir d’enfant, par la réalité qu’il contient d’un enfant incorporé, vient faire limite et borne au fantasme de la toute puissance de la mère des origines. Le désir d’enfant se trouverait de ce fait structurellement inscrit dans le devenir pulsionnel de la fille face à sa mère.
Mais pour l’analyste le désir d’enfant est aussi désir d’enfants analytiques, ceux produits par l’écriture certes mais aussi celui qui anime le «formateur», dont le travail d’analyste contient le désir de la filiation. La violence des relations à l’intérieur des sociétés analytiques avec les scissions qui les accompagnent, mais aussi la «fraternité d’armes» qui en relie les membres, ces liens puissants ont pour origine selon Sylvie Karila ce désir d’enfant, lequel pourrait constituer aussi une compensation défensive à l’incessant travail de déliaison auquel est soumis l’analyste dans sa pratique.
Patrick Guyomard, enfin, interroge la place de l’enfant dans le discours culturel à travers les errements de l’affaire judiciaire dite «d’Outreau». L’affirmation à tonalité passionnelle du juge concerné, selon laquelle «les enfants ne mentent pas», relève selon lui des effets d’un déni partagé par tout le corps social de la signification de la sexualité infantile.