Membre de la Société Psychanalytique de Paris et responsable de la rubrique « Du côté des livres », Dominique Bourdin nous propose une réflexion sur le thème de l’oubli. Ce livre est édité dans une collection destinée aux étudiants mais cet ouvrage, très bien documenté, ouvre sur les questions contemporaines de la pratique analytique et devrait intéresser un public plus large.
Tâchons de suivre avec l’auteur, les voies de la mémoire et de l’oubli.
En psychanalyse, l’oubli est une condition de la mémoire, il est central et multiforme. Sa forme principale est le refoulement, mais il ne s’y réduit pas. Il est un symptôme qui nous montre ce qu’est la vie psychique, il en est une figure du négatif, figure de l’effacement, trace négative mais signifiante de ce qui ne veut pas être reconnu mais qui agit en nous sans nous : les traces traumatiques et les désirs inconscients. L’oubli est une défaillance inévitable, une manière de montrer ce qui n’est pas perdu, mais refoulé ou réprimé. Il est peut être aussi la trace d’un trouble du rapport à soi – même.
Le livre est en trois parties. Une première partie traite des figures symptomatiques de l’oubli. L’auteur nous propose une relecture des textes freudiens essentiels à propos de l’oubli des noms, les troubles hystériques de la mémoire, les actes manqués, l’oubli des rêves, le refoulement et la levée du refoulement, la remémoration et la question de la construction en analyse. Sont aussi abordés des "oublis" plus pathologiques, le déni et le clivage.
En filigrane est posée la question de la remémoration. La cure analytique n’est pas simple remémoration de faits oubliés, elle est accompagnée de mise en sens. La remémoration est un travail psychique actif, association libre et de ce fait création de soi en même temps que souvenir.
Le chapitre central du livre, sans doute le plus abouti, traite de la question de l’oubli du sexuel et de l’oubli du meurtre du père. Intéressant questionnement sur les deux interdits fondamentaux, l’inceste et le parricide. Même en psychanalyse, l’oubli du sexuel reste un débat fondamental aujourd’hui. D. Bourdin nous en montre les enjeux en évoquant les rapports de Freud avec Jung, en retraçant l’histoire de la psychanalyse américaine et à partir de textes d’André Green, l’auteur réaffirme avec force le refus de l’oubli du sexuel pour la psychanalyse.
L’importance du maintien du mythe du meurtre du père est évoqué à travers un article de Pierre Fédida.
La dernière partie du livre est consacrée aux différentes modalités d’articulation entre mémoire et oubli qui permettent d’assurer au sujet des défenses contre le retour du refoulé mais aussi contre l’effraction traumatique et ses différentes façons de faire retour. L’auteur ouvre beaucoup de questions à propos des patients dits difficiles et les modalités de l’oubli à travers les diverses théorisations contemporaines les plus importantes : la répétition traumatique et l’avènement de ce qui n’a jamais eu lieu (Winnicott, R. Roussillon), les logiques primitives(M. Neyraut), la position phobique centrale (A. Green), le travail du négatif.
Ce livre est un prétexte pour l’auteur pour nous livrer des éléments de réflexion à propos de la pensée clinique contemporaine.