Ce livre regroupe des textes écrits autour d’une conférence donnée par Jean-Claude Arfouilloux, dans le cadre de la SEPEA ( Société Européenne pour la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent) un an avant sa mort brutale. La journée était consacrée à une réflexion sur les origines, à partir de la notion de roman familial, de la rêverie et de la curiosité. L’ouvrage explore principalement la curiosité comme défense vis-à-vis de l’angoissant et de l’étrange et la rêverie en tant que production fantasmatique venant se substituer à une réalité objectale vécue comme insatisfaisante. Toutes deux font partie de l’enfance, comme des processus complémentaires, qui constituent deux mécanismes de défense d’un Moi en quête de sens.
Jean-Claude Arfouilloux ouvre le volume avec un très joli texte sur le roman familial chez l’enfant et l’adolescent, où il articule des notions psychanalytiques et des références littéraires (Aragon) avec son expérience clinique dans un service de placement familial. Il a pu observer les interactions fantasmatiques entre l’enfant, sa famille d’accueil et ses parents naturels et rapporte un cas très intéressant d’un jeune garçon adopté, avec lequel il constate, ce qui effectivement semble une des caractéristiques et une des difficultés de la clinique de l’adoption, qu’il est extrêmement difficile d’aborder, et encore plus d’interpréter, le matériel relatif à la situation d’être adopté.
Myriam Boubli évoque quelques figures du roman familial, Léonard de Vinci, Moïse l’Egyptien, Hervé Bazin, Patrick Süskind. Elle prolonge les réflexions de J.C. Arfouilloux sur l’adoption en montrant les risques d’apparition à l’adolescence d’actes impulsifs en rapport avec le sentiment d’abandon, impossible à symboliser.
François Sacco aborde la curiosité et l’énigme chez l’enfant, par rapport à l’adulte séducteur et traumatique, avec un autre cas d’enfant adopté, rapporté avec beaucoup de précision et de richesse clinique, où le sexuel infantile de l’enfant rencontre le sexuel infantile de l’analyste, confronté aux projections parentales, dont il doit tenir compte, mais qu’il ne peut pas analyser, obligé lui aussi, comme l’enfant, de se dégager de leur impact.
Elsa Schmid-Kitsikis propose une exploration du thème de la journée – rêver, penser, créer – à travers l’œuvre de Freud, Piaget et Bion, en abordant la question de la vérité, telle qu’elle a été abordée par ces trois auteurs. Elle conclut en se demandant quel est l’objet de la pensée, qui ne pourra être pensé que dans la transformation psychique.
Annette Fréjaville s’interroge sur la curiosité, à partir du petit Hans, peureux et curieux, confronté à la curiosité des adultes, et en particulier, celle de Freud. Elle se demande si toute curiosité est de nature sexuelle, avec un commentaire sur Léonard à partir de données biographiques récentes. La curiosité est en rapport avec l’inconnu et met en jeu l’écart entre l’objet attendu et l’objet perçu, entre ce que l’enfant sait et ce qu’il ignore, et ce qu’il cherche à savoir, en particulier de la sexualité de ses parents.
L’ouvrage se termine par une très jolie observation d’un groupe d’enfants, en échec scolaire, à qui les deux thérapeutes, Serge Boimare (pédagogue) et Annette Fréjaville (pédo-psychiatre), ont proposé la lecture de Voyage au Centre de la terre de Jules Verne, roman d’apprentissage, qui met en jeu l’imagination et la démarche épistémophilique, ce qui permet aux enfants de passer de l’une à l’autre, de la rêverie à la réflexion cognitive, et de favoriser ainsi leurs capacités d’apprentissage.
Face à l’énigme persistante des origines, quelle que soit la configuration familiale d’un enfant, la curiosité et la rêverie apparaissent au fil des chapitres comme des processus complémentaires, au service de la quête d’un sens, que le thérapeute pourra favoriser, au moyen de différents dispositifs cliniques, pour aider des enfants en difficulté.