C’est autour des notions de reconnaissance, d’identification et d’identité que s’articule la réflexion de l’auteur. C’est à partir de symptômes cliniques caractérisant la psychose et plus précisément à partir du syndrome de Frégoli (défaillance de la faculté de reconnaissance qui fait que pour le sujet l’autre est toujours le même), d’une très intéressante étude sur le transexualisme, et de la clinique de certaines lésions cérébrales que S. Thibierge montre comment le nom, l’image et l’objet – éléments d’une clinique de l’identité du sujet –, apparaissent disjoints et isolables dans ces pathologies, contrairement à la névrose qui les noue ensemble ce qui ne nous en permet que beaucoup plus difficilement l’étude.
Au principe de cette disjonction du nom et de l’image, se trouve un objet, toujours le même, qui entraîne aussi une désintégration de l’image et de l’imaginaire. Cet objet a (Lacan) serait chez Freud l’objet du refoulement « et qui à ce titre détermine le désir du sujet, sans jamais pouvoir être directement identifié » tout au moins par le sujet névrosé, car dans la psychose « il est identifié et constitue même le pivot d’une systématisation articulée du délire ». Revenons au syndrome d’illusion de Frégoli qui se caractérise par l’échec de l’opération que symbolise la nomination puisque le patient qui n’identifie plus les autres sous leur nom propre, les nomme tous de la même façon. Le nom propre se transforme en nom commun et se conjoint au réel qu’il nomme. Quelle que soit son enveloppe, cet objet x sera désigné par un seul nom propre. Or c’est le nom propre – lequel se caractérise par son manque de signification – qui permet au sujet d’être représenté dans l’ordre du langage.
En décomposant le champ de la reconnaissance dans les deux syndromes (Frégoli et transsexualisme), l’auteur constate que le nom et l’image échouent « à introduire une fonction de différenciation et de représentation dans leurs registres respectifs. » Pour Lacan, c’est grâce à l’identification spéculaire « que nous accédons, dans le champ de la reconnaissance, à la représentation de l’unité ou de la permanence de quoi que ce soit », unité et permanence méconnues du sujet car posées dans une ligne de fiction anticipative. Tout le registre de la reconnaissance est fondamentalement articulé à cette image spéculaire.
Pour l’auteur, la question de l’identité est à chercher du côté de l’objet et non pas du côté du sujet comme on a l’habitude de le penser car c’est l’identification de quelque chose qui commande l’identification à , « pour que l’identification à l’image puisse se faire, il faut que le sujet soit identifié dans l’Autre au titre du symbole, c’est à dire d’un manque ». En ce qui concerne l’élaboration d’une identité subjective, S. Thibierge fait travailler les notions du manque, du refoulement et de la castration ce qui donne des chapitres fort intéressants sur la fonction paternelle qui fait symptôme dans les familles modernes, et sur la place de la femme qui, comme représentante de l’incomplétude, est placée par l’auteur au lieu de l’Autre. Il étudie aussi les problématiques identitaires contemporaines et les lie à « un impératif de jouissance corrélatif d’un refoulement de plus en plus compromis de ce que nous appelons l’objet, au sens que lui donne la psychanalyse ».