Autobiographique, cet ouvrage raconte les souffrances d’un mauvais élève dans une famille où le père est un « brillant polytechnicien » et les trois frères des « matheux » ayant tous réussi !
A soixante ans, après une brillante carrière, elle aussi, Daniel Pennac nous confie ses déboires d’enfant « qui ne comprend pas… ». Il met un an à apprendre la lettre « A » et entend son entourage compter qu’il lui faudra 26 ans pour apprendre l’alphabet !
« Tombé à 5 ans dans une poubelle de Djibouti où il marinera pendant plusieurs heures par soixante degrés », son frère adulte vieillissant évoquera cette aventure pour expliquer ses difficultés scolaires.
D’une très belle écriture, l’ouvrage se lit avec plaisir. Profondément touché par la détresse si bien explorée de ces enfants éternellement en marge de l’école, on suit Daniel dans sa famille, enfant, avec ce regard en suspens de celui qui se pense le plus mal loti. Sa souffrance est tangible, celle de sa mère aussi que l’on retrouve à près de cent ans se demandant encore si son fils va s’en sortir alors qu’il a derrière lui toute une œuvre, une carrière d’enseignant et des honneurs reconnus. On est sensible à la façon délicate que l’auteur a d’aborder, sans irritation, la blessure constante, jamais refermée, d’une mère désarçonnée devant les difficultés rencontrées par son fils. Un père, trop tôt disparu, semble avoir accompagné l’enfant puis l’adolescent avec plus de distance par rapport à la crainte de l’échec. Un passage donne le ton de cette relation au père. Alors que l’adolescent, en pleine crise, semble tenté de se jeter par la fenêtre, son père entrouvre la porte de la chambre un instant et lui dit : « Tu sais, le suicide est une imprudence ! » Ce qui dans un autre cas pourrait être perçu, là aussi, comme une « grande imprudence » l’est moins dans la mesure où l’on sent la solidité d’arrière plan de la relation père fils. L’humour présent constamment dans ce livre nous fait cheminer dans les méandres de l’éducation nationale et la vision originale qu’en a l’auteur.
Autant on suit avec intérêt les pages qui évoquent cette enfance, cette adolescence et ce que l’auteur a pu tirer de cette expérience comme profit dans son métier d’enseignant, autant on le suit moins dans ses prises de position sur la société qui cassent un peu la « musique » du reste de l’ouvrage.
Voilà un prix littéraire mérité, que l’on a grand plaisir à lire !