Cet ouvrage passionnant est dédié à la séparation. Celle-ci, bien qu’elle jalonne toute la vie humaine au quotidien, ne va pas de soi. En effet, la capacité de se séparer s’acquiert grâce au déploiement du complexe d’Œdipe aussi bien en aval qu’en amont. La séparation suppose la constitution préalable d’un objet interne, qui, maintenu vivant, permet l’élaboration de la perte. En l’absence d’objet interne fiable, la perte ou l’absence de l’objet représente une effraction narcissique. La douleur assure, dans un versant positif, la pérennité du sentiment de continuité d’exister car elle s’inscrit dans un espace intermédiaire où il n’est plus question de son appartenance physique ou psychique. La séparation peut être à l’origine de nombreux éprouvés : angoisse, douleur, deuil, mélancolie et disparition. Cependant, c’est le contexte sous-jacent qui donne plutôt l’une ou l’autre forme d’expression chez un individu donné.
L’auteur s’appuie sur la notion de pulsion anarchique de Nathalie Zaltzman qui a comme rôle d’effectuer un rééquilibrage entre pulsion de vie et pulsion de mort, sans les considérer comme foncièrement antagonistes. Dans ce domaine, la notion de division prend toute sa valeur pour maintenir la bigarrure de la vie humaine. C’est là que la différence de sexe joue son rôle primordial car elle différencie et sépare alors que la pulsion de mort soutient le courant haineux qui conditionne la séparation. Dans la mélancolie, il y a mélange par identification à l’objet constituant un mouvement anti-séparateur, tandis que la jalousie et la passion visent la séparation. De même, un excès de liaison peut conduire de façon délétère à la massification pulsionnelle et la dédifférenciation. Ce sont les différences qui permettent de sauvegarder la vie car seule les séparations et pertes donnent accès à l’inconnu et donc au nouveau. Tout abrasement de conflits et la tendance à l’unification entraine un processus de dédifférenciation dangereux soutenu par certains traits actuels de la culture.
Au total, un des buts de toute cure devrait être de pouvoir se séparer.
Rénate Eiber