SADOUN Patrick, Autisme : dire l’indicible, L’Harmattan, Paris 2016, ISBN : 978 2 343 08833-4.
Avec ce petit livre chargé d’émotion Patrick SADOUN pose un regard clinique d’une grande finesse et intelligence sur les mécanismes de la pensée autistique qu’il a dû apprendre à reconnaître pour pouvoir accompagner son fils atteint d’une forme grave de l’autisme. Au cours de ce parcours il a aussi créé une association : le Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle (RAAHP), et fondé un foyer destiné à accueillir ces enfants lorsqu’ils arrivent à l’âge adulte. Cette expérience l’a amené ainsi à réfléchir à un cadre matériel et architectural spécifiquement adapté à cette pathologie si particulière.
Patrick SADOUN s’indigne de certains lieux communs concernant les enfants autistes. Ils sont non seulement capables mais désireux de communiquer à condition que leurs interlocuteurs fassent l’effort de tenir compte leurs hyper perceptions et que l’on tolère la part d’étrangeté qu’ils impriment à la relation. Avec ce plaidoyer pour une acceptation de la différence, il témoigne aussi des formes –souvent sournoises- de mise à l’écart et de rejet auxquels les enfants et leurs parents sont régulièrement confrontés. Et au premier chef par des programmes éducatifs contraignants qui ne tiennent aucun compte des goûts et des particularités individuelles des enfants. Il dénonce avec force ces méthodes éducatives contraignantes dont il note la pente maltraitante qui la sous tend.
Il remarque que tous ceux qui ont réussi « à desserrer le carcan » de l’autisme, l’ont fait par le biais d’une passion personnelle et n’ont eu besoin d’aucune rééducation pour cela. Ce sont, en revanche, certaines rencontres qui auront été déterminantes dans leur parcours. L’accompagnement de ces enfants doit donc d’abord tenir compte de leur subjectivité, de leurs goûts, de leurs désirs personnels.
Ces enfants sont terrorisés par les bruits, fascinés par les trous. Ils n’ont aucun sens du vide et bien peu du danger. Redoutant plus que tout les regards, ils cherchent des lieux d’où ils peuvent voir et entendre sans être vus ni entendus. A l’inverse de nos tendances spontanées à vouloir contrôler du regard tout notre environnement, il nous faut donc concevoir pour eux des lieux avec des recoins où se cacher ; des lieux d’où l’on ait retiré les sources de reflets dans lesquels ils pourraient être surpris par la forme où le regard d’un autre. Il faut penser à tamiser les bruits, à marquer les limites pour éviter les confusions entre dedans et dehors ; mais aussi, prévoir la possibilité de ces jeux d’eaux que le plus souvent ils adorent.
C’est à toute une réflexion de l’adaptation de l’environnement aux particularités neuro-psychiques de ces enfants que Patrick SADOUN nous amène. Il nous pousse à changer notre point de vue et à faire le pari inconfortable d’abandonner une part de notre contrôle de la relation pour pouvoir les rencontrer.
Martin Joubert