Cette édition critique précise et soignée de la correspondance entre Lou Andreas-Salomé et Anna Freud est non seulement riche en indications sur l’histoire de la psychanalyse, mais passionnante. A part une lettre de 1919, elle commence en 1921, quand Anna a 26 ans et Lou 60. L’amitié presque passionnée entre ces deux femmes si différentes par l’âge, la culture, l’expérience, mais réunies par l’intérêt pour la psychanalyse, et surtout par leur affection déférente et profonde pour Sigmund Freud, retient toute notre attention. L’admission d’Anna par la société psychanalytique de Vienne, les projets de vacances partagées à Göttingen (où réside Lou), le séjour de Anna à Hambourg pour s’occuper des enfants de sa sœur Sophie (décédée) pendant une maladie de leur gouvernante, la relation par Anna de sa visite à l’institution pédagogique pour enfants délinquants d’Aichhorn (lettre 7A), ainsi que la discussion de Lou, à ce propos, sur la rétention des affects et leur sublimation, donnent la tonalité des premières lettres. Mine d’informations sur Freud, ainsi que sur les publications psychanalytiques de l’époque, la correspondance livre non seulement les réflexions et la complicité attachante de ces deux femmes (ainsi que l’avancée des nombreux vêtements qu’Anna tricote pour Lou), mais le rapport de chacune à la psychanalyse. Lou évite les discussions publiques, préfère les discussions à deux et s’y épanche librement. Anna est férue de pédagogie, impliquée dans les publications psychanalytiques, attentive à la sexualité infantile, toute dévouée aux élaborations de son père. Mais à travers Anna, c’est également Lou qui devient quelque peu la fille de Freud (lettre 316L, 1928), avec la bénédiction d’Anna « Je suis si heureuse que tu me veuilles pour sœur » (lettre 318A).
Un cahier de 16 pages de photographies, inséré au milieu de l’ouvrage, fait vivre par l’image les évocations des lettres. Les notes historiques et critiques, établies par Daria A. Rothe et Inge Pfeiffer, sont précises et précieuses. Les annexes (principes de l’édition, liste des sigles, ample bibliographie, postface, index des noms de lieux et des noms propres) permettent de se retrouver rapidement dans l’abondance des données ; on peut regretter cependant l’absence d’un index thématique.