[restrict]Guy Maruani, 23-04-2020 : Comment taire
On lit partout que l'épidémie virale tend à remplacer le contact humain corps à corps par un contact virtuel, analogique, par écran interposé. Outre que les balcons italiens de bel canto ont démontré qu'un échange de personne à personne par un produit du corps, la voix, reste possible, cette assertion sur la fin de la promiscuité des mains, des lèvres et des peaux m'a rappelé étrangement ce qui s'était mis à circuler au moment de l'extension épidémique du SIDA, lorsqu'on prophétisait que la sexualité allait devenir tout entière imaginative et non plus concrète, tout entière fantasmatique et non plus relationnelle.
J'écrivais d'ailleurs moi-même dans les années 1980 " F.I.V. et SIDA, même combat”, pour signifier que l'emprise grandissante sur la reproduction humaine de la technologie source de plus-value, comme la généralisation de pratiques sexuelles sans véritable rencontre physique et mélange d'humeurs, concouraient à essayer de délester le désir de sa charge de culpabilité inconsciente. Oui mais sans culpabilité inconsciente il n'y a plus de désir, ce credo psychanalytique est vérifiable par chacun. Et sans désir pas de plaisir, du moins pas de jouissance. Je gage donc que l'embargo sur les poignées de mains, les bises, les hugs et autres tapes sur l'épaule ou les fesses, subira le même sort que tous les vœux de chasteté et va ouvrir l'espace du clandestin, du furtif, du téméraire, du transgressif, et en somme aboutir à l'effet inverse, d'abord intra-confinement puis extra-confinement. Le retour du refoulé sera massif et jubilatoire et le risque restera une notion d'actuaire pas d'acteur de la vraie vie.[/restrict]