Cet ouvrage posthume de Paul-Claude Racamier voit le jour plus de vingt ans après son décès. Il rassemble des textes qu’il a écrits pour le projet de ce livre, L’esprit des soins longtemps porté, plusieurs fois annoncé, mais resté inachevé.
Dès le début de sa pratique en hôpital psychiatrique, Racamier s’interroge sur la qualité des soins proposés aux patients psychotiques et cherche les articulations qui seraient cohérentes et opérantes entre psychanalyse et psychiatrie.
Formé à la psychanalyse avant même d’être psychiatre, sa pratique hospitalière est pour lui l’occasion de chercher à comprendre les fonctionnements psychiques des patients psychotiques et de mettre en œuvre des méthodes de soin qui leur soient adaptées. Lors de son premier poste de psychiatre à l’hôpital de Prémontré (il y restera une dizaine d’années), il s’intéresse à la schizophrénie mais aussi aux frustrations précoces et aux psychoses puerpérales, ce qui va l’amener à mettre en place les hospitalisations mère-bébé.
“Il y a une tendance que j’ai, et que j’ai répétée de plus en plus, c’est de ramener, d’essayer de ramener dans ce que je trouve de profondément pathologique, d’essayer de découvrir ce qui, à l’origine, n’est pas forcément pathologique. C’est comme ça qu’à partir de la schizophrénie qui est véritablement une organisation de décervelage, je suis revenu à la base de l’identité, de la possession de soi…”
Fort de cette expérience hospitalière et désireux de poursuivre sa pratique et ses recherches avec plus de liberté, il s’engage dans l’aventure de la clinique des Rives de Prangins en Suisse. “C’était en 1962 et ça a été une période passionnante car c’est là que j’ai pu, avec la collaboration de Woobury (que j’avais rencontré aux États Unis, à Chestnut Lodge), organiser véritablement une unité de soins qui était centrée sur la “thérapie communautaire”, avec un grand souffle d’inspiration psychanalytique et un grand enthousiasme.
C’est là que j’ai organisé de façon systématique des soins dans lesquels les soignants étaient partie prenante, pas seulement exécutants ou informateurs mais partie prenante …Ce que j’ai pu développer là bas est relaté dans Le psychanalyste sans divan.”
La période des Rives de Prangins est aussi celle de nombreux échanges avec les organisateurs du secteur psychiatrique du XIIIème arrondissement, sources d’articles de part et d’autre et d’une collaboration, notamment avec René Diatkine, Serge Lebovici et Philippe Paumelle pour l’écriture du Psychanalyste sans divan paru en 1970.
Fin 1967, après avoir quitté la Suisse et de retour dans sa Franche Comté natale, PC Racamier fonde à Besançon à la demande de quelques familles, une petite structure de soin pour de jeunes adultes souffrant de troubles psychotiques. C’est le début de l’aventure de “La Velotte” qu’il a dirigée jusqu’à son dernier souffle, jusqu’en 1996. Il peut alors, riche de ses expériences antérieures, inventer un organisme de soin à sa convenance, qu’il perfectionnera au fil des années. Jamais plus de 12 patients n’y séjourneront à la fois, sa petite taille étant pour lui une des conditions nécessaires et indispensables pour assurer la qualité des soins.
Dans les années 1970, PC Racamier s’installe définitivement à Paris. Ses semaines sont dorénavant partagées en deux : les 3 premiers jours à Paris et du jeudi après midi au dimanche à Besançon . Pendant ces 29 années de travail intense à La Velotte auprès des patients psychotiques et de leur famille, PC Racamier poursuit ses recherches théoriques sur la psychose et affine le cadre et les méthodes de soin à inventer et à mettre en oeuvre pour permettre aux patients d’entrer dans un véritable processus de soin. Pendant tout ce temps, il ne cesse d’écrire, de partager le résultat de ses recherches et de préciser ses concepts nouveaux comme l’antoedipe , l’incestuel, le deuil originaire, l’ambiguïté positive…que l’on retrouve détaillés dans ses ouvrages théoriques.
Par contre, de son expérience de La Velotte proprement dite, il parle peu.
C’est dans L’esprit des soins, qu’il compte exposer ses réflexions sur le soin en général, à partir de ses rencontres avec diverses institutions, mais aussi à partir de ce lieu qui lui est cher et qu’il a créé. “Souvent dans ces pages, je me référerai à l’exemple de la Velotte. C’est que je la connais bien : j’ai créé cet organisme…j’y ai beaucoup appris sur les malades et sur les soins. Pour moi, pour mon équipe et pour d’autres personnes, il a été et il reste comme un atelier : une bottega, comme on en voyait en Italie à la Renaissance. Un laboratoire d’exploration clinique et d’innovation technique…”.
L’esprit des soins fait logiquement suite au Psychanalyste sans divan. PC Racamier l’annonce comme tel dans la dernière préface écrite pour une réédition du Psychanalyste sans divan. Mais le livre reste inachevé, sa rédaction étant sans cesse reprise au gré d’une expérience toujours en cours, non conclusive, dont le récit est toujours repris à mesure des élaborations auxquelles elle donne lieu. PC Racamier a dirigé la Velotte jusqu’à la fin de sa vie, et il lui était probablement impossible de prendre le recul suffisant pour conclure ce livre.
Ce n’est qu’après sa mort que les textes sont remis par Janine Racamier, son épouse, à Pascale de Sainte Marie qui a travaillé pendant une dizaine d’années auprès de PC Racamier et a repris à sa suite la direction de la Velotte.
Elle organise avec l’équipe soignante la transcription et le classement de ces quelques 400 pages de notes qui se présentent dans le désordre, mais chaque page étant marquée d’un code correspondant au chapitre auquel elle est destinée, ce qui permet de les insérer dans le plan prévu par PC Racamier. On peut voir ce plan reproduit dans sa version manuscrite dans l’introduction de chaque volume du livre. PC Racamier y prévoit 10 chapitres répartis de la façon suivante :
Préface, 1) Parcours, 2) Perspectives, 3) Cadre, 4) Fil du soin, 5) Actions parlantes, 6) Jeux des contraires, 7) Narcissisme, 8) Méthodes, 9) Ambiguïté 10), Velotte Conclusion.
En 2002, en collaboration avec le Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale, le 3ème chapitre, Le cadre, dont la rédaction est la plus aboutie, est publié par les Éditions du Collège.
Pour les autres chapitres, la tâche s’avère plus difficile, les textes se présentent sous forme de notes éparses et l’ensemble est volumineux.
Ce n’est que récemment que Pascale de Sainte Marie, après avoir sollicité plusieurs éditeurs sans succès, prend la décision de fonder les Éditions de la Velotte avec l’accord de Vincent Rebière, actuel directeur de la Velotte, et du conseil d’administration de L’association EnFaSa . Elle fait le choix de publier L’esprit des soins en plusieurs petits volumes, en gardant les textes en l’état, même si la rédaction en est inégale.
Ce sont, pour l’heure, les deux premiers volumes qui sont publiés.
Le premier regroupe les 3 premiers chapitres : Parcours, Perspectives et Le cadre déjà publié, qui retrouve ainsi sa place et qui, ayant reçu un franc succès, est depuis longtemps épuisé.
PC Racamier y dessine les grandes lignes de son parcours, avant de mettre en perspective la logique du soin face aux abîmes de la psychose. Il détaille ensuite l’organisation et les fonctions du cadre de soin tel qu’il le conçoit dans toute sa complexité et sa cohérence. Il le pense transposable et adaptable avec des variantes dans d’autres institutions que la Velotte mais il surtout insiste à plusieurs reprises sur la nécessité qu’il soit vivant : “Je n’aimerais pas quitter la question du cadre sans souligner une fois de plus que je suis loin de le voir comme un appareil fixe, solide, un harnachement. Je le veux ferme, et je le veux souple. En un mot je le vis et le veux vivant.”
Le deuxième volume est consacré au 4ème chapitre, Le fil du soin, dans lequel PC Racamier détaille les conditions nécessaires au processus d’admission des patients, puis leur cheminement dans les cures avec leur parcours et leurs crises pour terminer par le processus du départ en fin de cure. Il montre comment le soin est un processus qui se déroule dans le temps avec ses différentes étapes.
Les autres volumes paraitront ultérieurement.
Ces notes, très vivantes, parsemées de nombreuses vignettes cliniques, nous montrent PC Racamier au travail, soucieux de maintenir en permanence les complémentarités agissantes entre le psychique et le pragmatique, l’individuel et le collectif, la sécurité et la responsabilité, le dedans et le dehors, dans une saine ambiguïté, notion qui lui est chère et qui donne au soin toute sa cohérence et son aisance. Le plaisir à penser et à travailler ensemble en équipe est palpable tout au long du livre.
Pour se procurer les volumes, contacter le secrétariat de la Velotte (03.81.82.00.00) ou par mail : lavelotte@wanadoo.fr. L’institution se charge de l’envoi postal.