NOUVEAU RAPPEL HISTORIQUE A L’USAGE DES JEUNES GENERATIONS
Jacqueline Schaeffer
Octobre 2014
Les dernières réformes de la SPP sont connues des membres les plus récents :
– LA RECONNAISSANCE D’UTILITE PUBLIQUE (RUP), par décret du 8 août 1997,
a abouti à la réduction tripartite des membres du Conseil d’administration à 24 membres, élus, et la création du Conseil scientifique et technique, tripartite à 21 membres, élus.
– LA REFORME DES STATUTS, adoptée par vote lors de l’AGE du 29 janvier 2006,
portant sur la réduction à deux des CATEGORIES DE MEMBRES
(adhérents et titulaires),
et le remplacement de l’ancienne catégorie des titulaires par une FONCTION DE FORMATEUR.
Ce nouveau rappel historique vient compléter les précédents :
Celui publié dans le Bulletin de la SPP n° 85, en octobre 2007, « Petit rappel historique à propos de la modification des Statuts de la SPP, à l’usage des jeunes générations », reprenant le texte du n° 33, de Juin 1994, intitulé : « Le tournant des Affiliés, ou Les petits enfants du traumatisme »).
J’en reproduis les extraits.
J’ai eu l’occasion, en décembre 1988, de participer à l’organisation d’une journée de filmage vidéo des témoins de la Scission de 1953, et de la création de l’Institut de Psychanalyse, à l’initiative d’Alain de Mijolla, pour le Département des Archives de la SPP.
Cela me valut ensuite d’être sollicitée à intervenir lors d’une soirée de la SPP, le 21 septembre 1993, autour du thème de la Scission de 1953.
Ces deux vidéos pourraient être publiées sur le site de la SPP.
J’ai choisi, lors de cette soirée de la SPP, de parler au nom de ma génération.
Celle-ci était encore proche, pour avoir suivi leur enseignement, de ceux qui ont vécu le deuxième temps de la Scission, advenu dix ans plus tard, en 1963, avec la dissolution de la Société Française de Psychanalyse et la création des deux rameaux que sont l’Association Psychanalytique de France, dite APF, reconnue par l’IPA, et l’Ecole Freudienne.
Ces collègues, que je nomme « enfants du traumatisme », ont connu Sacha Nacht, suivi le Séminaire de Lacan, vécu les passions de leurs aînés, les conflits et les déchirements de la fratrie, les remous de 1968, et les échecs de 8 projets de réforme des statuts de la SPP.
Je rappelle le tableau comparatif des projets de réforme des statuts, publié dans le numéro 4 du Bulletin de la SPP, daté de novembre 1983.
Ils sont au nombre de 8 :
– 1975/76 : projet Pierre Luquet : projet de fusion IPP-SPP, non examiné malgré
l’importance du travail accompli
– 1977 : projet Paul-Claude Racamier pour l’ IPP : projet absorbé par celui de la réforme de la SPP
– 1977 : projet Janine Chasseguet pour la SPP : projet non abouti
– 1978 : projet Jean Gillibert pour la SPP : vote négatif
– 1978 : Projet de double filière des 2 Serge, Lebovici et Viderman, pour l’IPP : vote négatif
– 1979 : projet P.C. Racamier et Simone Decobert pour l’ IPP : non porté au vote, suggestions faites au Bureau
– 1981 : projet Raymond. Cahn (Jean-Luc. Donnet) pour la SPP : voté par le Collège administratif de la SPP, refusé par l’AG de l’Institut.
– 1986 : le 9eme projet, qui ne figure pas dans le Bulletin, est celui de Augustin Jeanneau et son comité SPP/IPP : voté par le Collège administratif de la SPP en mai 1986, voté à l’AGE de l’IPP en 1986 par les 3 catégories : vote positif à une voix.
Fusion Institut/SPP.
CA de 45 membres élus à répartition égale par chaque catégorie.
Commission des candidatures : 27 membres à répartition égale.
Par rapport à ces ainés, ma génération représentait un chaînon intermédiaire avec celles qui nous suivaient, qui ne se sentaient plus concernées et pouvaient déclarer : « Scission, connais pas ! ».
En effet, ceux de ma génération, formés dans les années 1970, sont entrés en 1980 dans une Société où les conflits de leurs aînés étaient sensibles mais mal connus, les non-dits pesants, une Société dont les statuts étaient de plomb, le conflit Société-Institut durci, les catégories de membres quasi figées (60 titulaires, 60 adhérents).
LES TITULAIRES
(TITULAIRES FORMATEURS ACTUELS)
Les Titulaires représentaient pour nous un Olympe inaccessible, sur-idéalisé, immuable.
Les collègues de ma génération se souviennent avec quel sentiment de terreur sacrée et sacrilège ils ont déposé au secrétariat de la Société leur lettre de candidature au Titulariat, après s’être encouragés mutuellement cinq ans auparavant, à oser présenter un Mémoire d’Adhérent.
Car cela ne se faisait plus, c’était malséant.
Ainsi, de 1953, date de la Scission, jusqu’à 1967, en quatorze ans, 4 Mémoires seulement ont été présentés. Après 1968, il y eut quelques petites poussées et des paliers de stagnation : 18 Adhérents de plus en 16 ans, de 1968 à 1983.
LES ADHERENTS
(TITULAIRES ACTUELS)
Après 1983, la croissance va reprendre, et je vais évoquer comment, 30 ans exactement après la Scission, l’année 1983 est une année charnière, celle de l’exorcisme.
Dès 1982, je suis attachée à la création et à la rédaction du Bulletin de la SPP, dont Claude Le Guen donne le coup d’envoi : en octobre 1982 paraît le premier numéro.
LES AFFILIES
(ADHERENTS ACTUELS)
Paul Israël et moi-même, conseillers du Bureau de Michel Fain, prenons alors l’initiative de remobiliser le groupe des Affiliés, réputé inerte et ne s’intéressant pas à la vie de la Société.
Il faut rappeler que la création en 1967 de cette troisième catégorie de membres, les Affiliés, n’a pas été suscitée par des pressions de l’IPA, comme beaucoup d’entre nous le croyaient à l’époque, mais pour les besoins d’une meilleure représentation au sein de la Fédération Européenne de Psychanalyse, née en octobre 1966. Celle-ci privilégiait les Sociétés européennes comportant de nombreux membres.
De fait, l’introduction de 70 membres Affiliés, dans l’année qui suivit la création de cette nouvelle catégorie, doubla pratiquement en 1968 le nombre total des membres de la Société.
Après le Congrès de Vienne, en 1971, l’IPA proposera à la SPP une unification des catégories : les Affiliés seront « associate members », sans droit de vote, les Adhérents comme les Titulaires seront « full members ».
C’est en effet à partir de 1971 seulement que figure sur les listes de membres de la SPP la catégorie des Affiliés, créée quatre ans auparavant
LES REUNIONS D’AFFILIES (ADHERENTS ACTUELS)
En février 1983, donc, a lieu la première réunion des Affiliés : 62 Affiliés sur 185 y sont présents. Les actes de toutes les réunions qui ont eu lieu, et les compte-rendus de leurs travaux, sont publiés dans deux numéros du Bulletin de 1983, n° 3 et 4, dont je vous conseille la lecture, fort intéressante.
Je suis disposée à en fournir des photocopies aux personnes intéressées.
A la suite des problèmes soulevés :
– celui de la représentativité de ce groupe d’Affiliés,
– celui de leur identité,
– celui de la réticence à la rédaction du Mémoire d’Adhérent,
– celui de la crise de la Société issue de la répétition des conflits inélaborables des aînés,
– celui du statut du psychanalyste
quatre groupes de travail se sont immédiatement constitués :
- Quelle Société nous paraît la moins mauvaise, ou quels statuts les plus simples ?
- Historique de l’Affiliation
- Ethique de la Psychanalyse, psychanalyste « à part entière » et transmission
- Problèmes d’actualité : éligibilité à la SPP et statut du psychanalyste.
Le problème de la désaffection à la rédaction du Mémoire y est bien problématisé : s’agissait-il d’une inhibition face au niveau de qualité et d’élaboration exigé en France, ou bien était-ce un symptôme du malaise institutionnel ?
Cette interrogation rejoignait l’analyse faite, 15 ans plus tôt, en novembre 1968 par Jean Luc Donnet, dans son rapport d’une Commission née des événements de mai 1968 : « Cursus et hiérarchie dans la société d’analyse, esquisse d’une critique structurale ».
L’auteur estimait que pour un assez grand nombre d’analystes ayant terminé leur cursus de base et n’ayant pas présenté un Mémoire pour la demande d’Adhésion – seule condition à l’époque pour être membre actif de la Société, être reconnu par l’IPA et être inscrit au Roster – pour ces analystes, donc, leur situation s’est ainsi trouvée réglée, sinon réglementée par la création de cette catégorie d’Affiliés.
C’était leur donner une identité, une reconnaissance qui tenait pour « résolu » le problème intérieur de cette situation : pourquoi bon nombre d’analystes ne présentaient-ils pas un Mémoire d’Adhérent ?
Il apparaît maintenant certain que l’accroissement numérique du groupe des Affiliés, la rareté des Mémoires, étaient le témoignage symptomatique de conflits institutionnels insolubles entre les aînés à propos de la transmission de la psychanalyse et de l’impossible consensus sur la conception d’un cursus de formation.
Le problème des analystes non médecins est examiné également dans ces groupes de travail, en fonction de la récession de 1983, qui contraste avec « l’inflation psychanalytique des années 1970 ». En 1968, il y avait 10 analystes non médecins parmi les 70 Affiliés ; en 1983 il y en a 63 sur 200. Je n’ai pas, à l’époque, poursuivi le décompte.
Les souhaits qui sont formulés au sein de ces groupes de travail ont pu être retrouvés dans les divers précédents projets de réforme avortés, entre 1975 et 1981.
Ainsi :
– la dé-catégorisation et son remplacement par la diversification des fonctions,
– la fusion de l’Institut et de la Société,
– l’ouverture du cursus à toute personne ayant fait une analyse de quelque divan que ce soit (La Commission d’Enseignement a voté, le 5 avril 1994, l’accès à la Commission du Cursus des analysés issus de tous les divans SPP)
– et la création d’une Fédération de plusieurs Instituts ayant passé convention avec la Société.
Pour le détail de ces projets, leurs dates et leurs auteurs, je vous renvoie au Bulletin 1983 n° 4, où les huit projets sont exposés.
L’élection des Affiliés au Collège Administratif par les seuls Affiliés, proposée par le Bureau, a rencontré à l’époque une vive opposition au sein du Collège.
Je rappelle qu’alors, suivant une modification de statuts votée au Collège en février 1973, le Collège était composé : pour une moitié par la totalité des Titulaires, l’autre moitié se répartissant selon 1/3 d’Affiliés et 2/3 d’Adhérents.
Les Affiliés représentaient donc un sixième du Collège.
C’est également au cours de cette année 1983 que la participation à part entière d’Affiliés à la Commission des candidatures d’Affiliés est acceptée.
LA REMOBILISATION DES CATEGORIES DE MEMBRES
On constate que ces travaux des Affiliés de l’année 1983 ont eu un effet de remobilisation des Affiliés, aussi bien sur le plan institutionnel que scientifique, et tout particulièrement, fait significatif, parmi ceux qui ont participé à ces réunions d’Affiliés.
Nous devons rendre grâce à Michel Fain, Président de la SPP à l’époque, d’avoir encouragé ces réunions.
Alors qu’en 30 ans, de 1953 à 1983, 30 Mémoires d’Adhérents avaient été proposés, portant leur nombre de 32 à 62 :
– de 1983 à 1984, il s’en écrit 5 de plus (on passe de 62 à 67)
– en 1985 : 9 de plus (on passe de 67 à 76)
– en 1987 : 11 de plus (on passe de 76 à 87)
De 1983 à 1987, en quatre ans, le nombre d’Adhérents s’est accru de 25, alors qu’en 30 ans, de 1953 à 1983, il ne s’était accru que de 30 membres. Ensuite, la courbe d’accroissement des Adhérents diminue et va même jusqu’à s’infléchir, car ce mouvement va pousser ces mêmes Adhérents à s’orienter vers le Titulariat. En 1993, le nombre d’Adhérents est inférieur de 6 à celui de 1991 (91 à 85).
En ce qui concerne le collège des Titulaires : en trente ans, de 1953 à 1983, il y a eu 43 nouveaux Titulaires (on passait de 19 à 62).
– de 1983 à 1987 : il y en a 10 de plus (on passe de 62 à 72), dont 7 la dernière année (quelques Adhérents de 1983 se sont orientés vers le Titulariat)
– en 1989 : il y en a 7 de plus (72 à 79)
– en 1991 : encore 7 de plus (79 à 86)
– en 1993 : c’est la ruée vers l’or du Titulariat : il y en a 16 de plus (on passe de 86 à 102). Le mur du cent est franchi…
De 1983 à 1993 donc, on est passé de 62 à 102 Titulaires, soit 40 de plus, ce qui représente, en 10 ans, le même accroissement que les 30 premières années, de 1953 à 1983.
Les travaux des Affiliés ont pris fin en octobre 1983 avec une lettre-enquête adressée à tous les Affiliés, sur les problèmes socio-professionnels et la pratique.
Ensuite le terrain était prêt pour l’énorme investissement de la préparation de la nouvelle Réforme des Statuts de la SPP, en 1984, menée conjointement par le Bureau d’Augustin Jeanneau et le Comité de l’Institut dirigé par Claude Girard, et par un Comité des Statuts tripartite. Ce projet a abouti à un vote positif, en juin 1986, à une voix !
Cette réforme a consisté en la fusion de la SPP et de l’Institut de Psychanalyse en une seule Société, à la création d’un Conseil d’Administration, d’une Commission des Candidatures et d’un Collège Electoral, tous à répartition égale des trois catégories.
La suite de l’histoire, vous la connaissez : ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…
Publié le 4 février 2015