Dans un contexte de crise, nous vivons collectivement des transformations sanitaires, politiques, économiques et sociales qui ont un impact sur nos subjectivités. Cette intrication de l’intime et du collectif peut trouver une résonance dans la rencontre avec les patients. Ce groupe de travail SPP s’inscrit dans le cadre d’une recherche universitaire internationale, conduite par M. El Husseini. Cette recherche qualitative explore le vécu des psychothérapeutes et des psychanalystes face à des changements surgissant dans la réalité extérieure, le méta-cadre, à leur intrusion dans le dispositif psychanalytique, ainsi qu’à leur potentiel traumatique et créatif.
Lors des trois premières rencontres, ce groupe de travail a rassemblé des participants vivant et exerçant dans différents contextes (Liban, Brésil, Etats-Unis, France).
A partir de résultats de la recherche et de présentations cliniques, nous avons réfléchi aux incidences de la désorganisation groupale/sociétale sur le contre-transfert. Quand les expériences de violence et de crises se partagent entre patient et analyste, les protagonistes de la scène analytique peuvent être écrasés par la réalité traumatique et se retrouver dans des « mondes superposés » (Puget et Wender, 1982). L’activité sublimatoire du psychanalyste s’y retrouve entravée ; certaines taches aveugles sortent de l’ombre et se manifestent dans les réactions contre-transférentielles. Différents vecteurs de l’activité transformatrice de l’analyste ont été mis en lumière concernant notamment des questions narcissiques identitaires inédites dans leurs expériences antérieures.
Ces manifestations contre transférentielles se déclinent sous différentes formes selon chaque contexte : au Liban et au Brésil, ce sont les résurgences traumatiques se rattachant à la sensorialité d’une ambiance qui entrent en collusion avec la sensorialité du méta-cadre, faisant émerger les éclats de traumatismes anciens. Aux États-Unis, la crise sanitaire, intriquée avec les clivages de la crise politique, s’est immiscée dans l’intimité de la séance, confrontant l’analyste à des questionnements identitaires au sujet de son appartenance ethnique.
L’accueil du matériel contre-transférentiel présenté a suscité diverses réactions dans le groupe, ce qui a permis de penser la relation entre les affiliations théoriques et les positions à l’égard des mouvements contre-transférentiels qui peuvent être nommés ou censurés. L’écoute multiculturelle du groupe de travail ouvre sur les différents sens que l’élaboration groupale permet de leur attribuer.
Lors de la troisième rencontre, la discussion est partie de l’article « Être, penser, créer : quand la guerre attaque le cadre et le transfert contre-attaque » (RFP, 2011) de MT Khair Badawi (SPP, IPA, ALDEP). Elle questionne le cadre analytique quand il est soumis à l’imprédictible « Comment protéger l’invariance du cadre quand il est constamment attaqué ? Que se passe-t-il quand l’analyste et l’analysant sont pris dans une même situation traumatique ? ». Cette rencontre a été l’occasion de penser ensemble les aménagements du cadre dans des moments de crises aigües, et la place du cadre interne de l’analyste qui prend toute sa valeur quand le cadre externe, dans sa matérialité, est violemment mis à l’épreuve.
Nous accueillerons en visioconférence pour la prochaine rencontre du Vendredi 10 décembre 2021 à 20h30, Madame Saskia von Overbeck Ottino, psychiatre et psychanalyste, vice-présidente de la Société Suisse de Psychanalyse. Nous poursuivrons la réflexion collective sur l’impact de la réalité externe sur la relation transféro-contre-transférentielle à partir de son expérience de travail avec les exilés en Suisse.