Nous, agents de cet établissement, professionnels de la santé mentale, travaillant en psychiatrie au CHS Vinatier réunis en AG avec nos syndicats FO et CGT ce jeudi 24 juin, faisons le constat suivant :
Après 40 ans de fermetures de lits à l’hôpital psychiatrique public, en pleine période de développement de la précarité économique et d’exclusion sociale, abandonnant sans soins des dizaines de milliers de patients, hospitalisés jusqu’alors en psychiatrie, les envoyant souvent en prison ou les laissant errer, se clochardiser et se mettre en danger de mort, sous prétexte de leur éviter une « chronicisation institutionnelle stigmatisante »,
Après avoir quasiment rendu impossible l’hospitalisation classique en psychiatrie, les gouvernements successifs ont attaqué l’extrahospitalier et le médico-social. Longtemps ces deux secteurs se sont crus plus à l’abri, souvent utilisés comme justificatifs à la fermeture de l’intra. Il s’agissait alors de rassurer et de camoufler une réduction en redéploiement,
S’inscrivant dans la continuité de cette politique, le gouvernement Macron-Véran veut maintenant aller jusqu’au bout : la psychiatrie comme pratique médicale doit définitivement disparaitre. La prise en charge spécifique de la souffrance psychique est niée et doit être empêchée autoritairement.
Ils ont effacé la maladie, la transformant en « handicap » à l’exemple de l’autisme, et maintenant des « troubles neurodéveloppementaux »,
Ils ont imposé « l’inclusion » en milieu ordinaire, sans les moyens humain et financiers, entrainant une véritable catastrophe sanitaire ne permettant pas un accompagnement pédagogique digne.
Ils ont accusé les professionnels, qui voulaient malgré tout continuer à soigner, de maltraitance parce qu’ils pratiquent une autre psychiatrie que celle qu’ils veulent nous imposer.
Ils veulent maintenant nous retirer à nous soignants, toutes possibilités de libre accueil pour tous les patients en souffrance psychique. Or sans libre accueil, il n’y a pas de soin possible ni en psychiatrie adulte, ni en pédo-psy, ni en libéral. Le refus d’hospitaliser les patients alors même qu’une indication est posé par un généraliste, un psychiatre, ou même le CMP, le triage des patients autoritairement imposé, est incompatible avec la notion même de soin. Il contrevient gravement à la déontologie médicale et à la démocratie sanitaire.
Mais ça ne leur suffit pas, ils veulent nous imposer de changer de métiers :
- A grands coups « d’arrêtés », pour leur donner une légalité juridique,
- A grands coups de « plateformes téléphoniques de coordination et d’orientation» pour faire croire qu’ils continueraient à s’occuper des patients,
- A grands coups « de bilans et autres évaluations » pour que lesdites plateformes « puissent orienter » (vers où ? vers quoi ?) et donner à leur politique un vernis pseudo-scientifique.
- A grands coups de communications et de passages dans les medias.
Nous sommes des soignants, agents hospitaliers du public.
Les « plateformes téléphoniques », les équipes mobiles ne sont pas des lieux d’accueil des malades et de leur souffrance, comme le sont les lits d’hospitalisation, les CMP, les hôpitaux de jours, les CATTP, ou les structures du médico-social, CAMPS ou CMPP. Les « plateformes d’orientation et de coordination » avec leurs bilans et autres orientations ne font pas des actes de soins.
Il s’agit réellement là, d’exclusion du champ du soin, d’abandon et de rupture, d’introduction des règles de la concurrence et du commerce, du ‘bénéfice/risque’ comme ils disent, en vue.......de la diminution des coûts par le triage des patients.
Pour cela, Macron et Véran ont besoin d’appuis. En effet, ils leur est impossible de réaliser pleinement ces objectifs seuls.
Et comme à chaque fois, ils appliquent la même méthode : ils convoquent des « Assises de la Santé mentale » où médecins, soignants, non médicaux, associations de familles, organisations professionnelles, organisations syndicales, sont tous sommés d’y participer, pour au final sans concrètes décisions adaptées , mais plutôt pour imposer leur politique de casse de la psychiatrie.
Devant l’imminence et la gravité du danger pour nos patients et leur famille, sans être en concurrence avec aucun autre appel, sans être en concurrence avec aucune autre initiative, respectueux du champ et des prérogatives de chacun, refusant d’accompagner Macron et Véran dans leur funeste projet avec des mesures qu’ils ont déjà prises et décidées mais qu’ils feront cautionner par les « Assises de la santé mentale », pour ceux qui sont attachés aux principes éthiques et déontologiques de la médecine, c’est-à-dire, aux droits des patients à accéder aux soins les plus appropriés en fonction de la clinique et de l’état des connaissances, sans contraintes extérieures, c’est-à-dire sans les normes et schémas édictés par l’Etat, estiment qu’il est plus que temps, de construire clairement autour des revendications suivantes :
Ø L’interdiction de fermeture de lits, de services, d’hôpitaux psychiatriques et de structures extrahospitalières (CMP, Hôpitaux de jours, CATTP, etc.)
Ø L’interdiction des fermetures de toutes structures de types CAMPS, CMPP pour le secteur médico-social.
Ø Réouvertures des lits et des structures nécessaires pour la prise en charge de la population. Tous, lits comme structures, doivent être sanctuarisés par une loi.
Ø L’arrêt de la dictature des projets de services ou d’établissements y compris lorsqu’ils se camouflent derrière le vocable de ‘médical’ et qu’ils font croire aux agents qu’ils pourraient co-construire des projets qui sont déjà décidés à l’avance.
Ø Une politique de formation spécifique et l’augmentation des recrutements du personnel nécessaire au fonctionnement de ces structures et établissements de soins.
Ø NON ! à la liquidation des ASH ! Les ASH sont parties intégrantes des équipes ! Maintien dans les services de soins et dans la filière soignante !
Ø NON ! aux plateformes téléphoniques, de bilans, de coordination et d’orientation, et autres équipes mobiles au détriment des structures de soins.
Ø La liberté pour chaque médecin de prescrire des soins et traitements en fonction du seul état clinique de son patient, pour chaque soignant d’exercer selon les principes éthiques et déontologiques. Nul ne peut, ni ne doit être inquiété parce qu’il veut soigner.
Ø L’abrogation de l’arrêté du 10 mars 2021 concernant les psychologues.
Ø Mise en débats et non application strictes des recommandations, normes, schémas institués par des organismes administratifs et gouvernementaux tels que l’OMS, l’HAS, l’ARS, et autres comités prétendument scientifiques.
Ø L’abandon de toutes les mesures de « réforme du financement de la psychiatrie » et le retour au financement réel des soins par le prix de journée financée par la Sécurité Sociale.
Un front commun, solide, incluant organisations syndicales, de médecins et de personnels non médicaux, associations professionnelles, associations de défense des droits des patients, personnels médicaux et non médicaux en leur nom propre, unis sur les revendications ci-dessus et, cherchant à construire et à rassembler tous ceux, partisans de la résistance et de la reconquête du terrain perdu, dans le seul but de défendre la psychiatrie comme pratique médicale spécifique et les droits à l’accueil et aux soins psychiques appropriés pour tous nos patients.
Nous décidons de porter cet appel à la connaissance de l’ensemble des chs, du secteur médico-social rattaché à la psychiatrie, dans l’ensemble du pays, à la connaissance de l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles se revendiquant de la défense de la Sécurité Sociale, de l’hôpital public et du droit aux soins pour la population, cherchant ainsi à briser l’isolement établissement par établissement par lequel le gouvernement espère faire passer ses mesures de démolition de la psychiatrie.