Nous apprenons avec tristesse le décès de Daniel Widlöcher le 14 décembre 2021. Il était une des très grandes figures de la psychanalyse française, réputé et respecté dans le monde entier. À propos de lui, Alain Braconnier écrivait : « Sa vie s’identifie à la psychanalyse telle qu’il aime la définir : tout autant une pratique culturelle qu’une pratique thérapeutique, elle ne donne pas une vérité, elle ouvre une voie. »
Daniel Widlöcher est né en 1929 à Paris. Il était psychiatre, professeur des universités-praticien hospitalier en psychiatrie, psychologue et psychanalyste.
Il est devenu psychanalyste, tout en poursuivant sa carrière universitaire, en s’appuyant notamment sur son intérêt pour le développement de l’enfant. Nommé assistant des hôpitaux à la Salpêtrière, il met en place un département de psychothérapie de l’enfant au sein duquel il propose à Annie Anzieu le premier poste d’orthophoniste créé à l’hôpital en 1958.
Il a occupé différentes fonctions au CNRS (membre de la section de psychologie puis président de la section « Psychologie et psychophysiologie). Il a été conseiller auprès du ministre de la Santé Edmond Hervé, en 1983-1984.
Il se reconnaît moins dans une filiation avec Lacan qui a été son analyste qu’avec Daniel Lagache à qui il a demandé de superviser les activités psychanalytiques mises en place à la Salpêtrière.
Il a été membre fondateur de l’Association psychanalytique de France en 1964 dont il a été le président à deux reprises. Il a présidé l’Association Psychanalytique Internationale de 2002 à 2005.
Très éclectique, il a aussi présidé l’Association française de thérapie comportementale et cognitive de 1979 à 1980, ainsi que le comité de l’enseignement de l’Association psychanalyse et psychothérapies — Recherches expérimentales et cliniques sur l’application de la psychanalyse aux psychothérapies.
Daniel Widlöcher a été lauréat du prix Sigourney Award en 1998.
Daniel Widlöcher a marqué la psychanalyse française et internationale par une œuvre remarquable d’originalité, de puissance d’élaboration théorique et d’acuité dans les descriptions cliniques. Tout au long de son parcours, il a revisité les principaux concepts de la métapsychologie : la pulsion, l’inconscient, le statut de la représentation, l’affect, la sexualité infantile et a aussi œuvré à conceptualiser la notion d’attachement. La confrontation des points de vue était appréhendée par lui comme un facteur d’évolution de la psychanalyse.
Il a toujours considéré très favorablement le recours à l’interdisciplinarité. Il a proposé une métapsychologie de l’écoute, en lien avec sa théorie de la co-pensée, qui souligne l’interaction entre deux activités psychiques.
Sa vie et son œuvre attestent, comme le souligne Catherine Chabert, de l’intensité d’une curiosité immense, presque insatiable, du refus d’immobilisme et du rejet de tout impérialisme de pensée dans les traitements psychiques.
Hommage de Marilia Aisenstein à Daniel Widlöcher
Daniel Widlocher nous a quittés le 14 Décembre, c’est une immense perte pour toute la communauté psychanalytique internationale.
Président de l’IPA de 2001à 2005, il avait succédé à Otto Kernberg et a précédé Claudio Eizirik. Il a été l’initiateur du mouvement des « Trois Modèles de Formation » qui ont été définitivement adoptés en 2007 lors du Congrès de Berlin sous la présidence de Claudio Eizirik. Pour ce faire Daniel Widlocher a fait preuve d’un subtil mélange de courage, de diplomatie et de fermeté. En effet cela ne fut pas facile.
Travaillant avec lui au sein du Comité Exécutif je l’avais surnommé « la force tranquille » car il ne perdait jamais son calme et restait toujours amène et respectueux de l’autre même si ce dernier l’attaquait.
En dehors d’avoir été un grand président de l’API Daniel Widlôcher était une figure unanimement admirée et respectée du paysage psychanalytique Français.
Professeur de psychiatrie et pédopsychiatrie il avait créé, au sein de l’hôpital La Salpêtrière, un service de psychothérapie d’enfants encore renommé aujourd’hui.
Au cours d’une brillante carrière hospitalière Daniel Widlocher s’est très tôt intéressé à la psychanalyse. Il avait entamé une psychanalyse personnelle avec Jacques Lacan, alors directeur de l’Institut de la Société Psychanalytique de Paris.
Daniel Widlocher avait été très touché par la fameuse scission de 1953-54* qui a bouleversé la communauté psychanalytique Française et fut suivie de l’exclusion de son analyste de l’API. Ces souvenirs restaient encore douloureux des années plus tard.
Sans renier sa filiation il ne s’est pourtant jamais identifié au modèle Lacanien. En 1964 il a été un des membres fondateurs de l’Association Psychanalytique de France dont il a été deux fois président.
Grand clinicien Daniel Widlôcher était aussi un remarquable théoricien et chercheur, il nous laisse une œuvre diversifiée et originale où l’on retrouve ses centres d’intérêt : l’affect, l’enfant, la psychothérapie, la métapsychologie de l’écoute et sa conception personnelle de la « co-pensée ».
Ses ouvrages, entre autres : Métapsychologie du sens, Le psychodrame chez l’enfant, Sexualité infantile et attachement, Traité de psychopathologie, Les nouvelles cartes de la psychanalyse, témoignent de l’ampleur de son engagement.
Pour terminer je veux aussi évoquer ici son humanité. Daniel Widlôcher était « bon » au sens noble du terme, c’était une personnalité rayonnante. Fin lettrée, et pas seulement dans le domaine de la psychanalyse, toujours intéressant, aimable et accueillant, travailler et converser avec lui était un vrai bonheur.
* En 1953, un conflit éclate au sein la Société psychanalytique de Paris (S.P.P.) Jacques Lacan qui venait d’être élu président quitte la SPP. Il fonde la Société française de psychanalyse (S.F.P.) qui est exclue de l’International Psychoanalytic Association (I.P.A.). En 1964, la S.F.P. est dissoute, l’Association psychanalytique de France, dirigée par Lagache, est reconnue par l’I.P.A. et Lacan fonde l’École freudienne de Paris (E.F.P.).