Chers Collègues,
La SPP a la grande tristesse de faire part du décès d’Annie Anzieu, le 11 novembre 2019 à l’âge de 95 ans.
Annie Anzieu a été membre honoraire de l’APF. Au côté de son mari, Didier Anzieu, elle a marqué la psychanalyse française par son action ainsi que ses publications. Elle a été co-fondatrice de l’Association pour la psychanalyse de l’enfant puis de la Société européenne de la psychanlyse de l’enfant et l’adolescent (SEPEA)
Les informations concernant les obsèques vous seront communiquées ultérieurement.
Les membres de la SPP s’associent à la peine de sa famille.
Clarisse BARUCH, Présidente Roland HAVAS, Secrétaire Général
Deux textes d’hommage :
- Florence Guignard
Christine Anzieu-Premmereur
Hommage de Florence Guignard à Annie Anzieu
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 2019, Annie Anzieu nous a quittés. Discrètement, dans son sommeil, sans souffrir espérons-le.
Nous la pensions éternelle, tant elle est consubstantielle à la psychanalyse française, au féminin, à la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent et, surtout, à notre SEPEA…
Nous voilà désemparés, tristes, soudain rappelés à l’ordre du temps qui passe et à la finitude humaine.
Elle laisse ses anciens analysants, enfants, adolescents et adultes, dans la peine, mais aussi dans la gratitude pour tout ce développement de l’âme et du corps qu’elle a permis en eux.
Elle laisse des ouvrages de référence, écrits seule ou à plusieurs, sur maints grands sujets de la psychanalyse : le corps et la parole, le féminin, la séparation et le détachement, les enveloppes psychiques, le travail en psychothérapie d’enfants – le jeu, écrit notamment avec sa fille Christine, et le dessin.
Et elle nous laisse nous, ses collègues, ses amis, ceux qu’elle a soutenus, enseignés, encouragés, promus, nous les membres de la SEPEA, qui n’aurait jamais vu le jour sans elle.
Je peux bien le dire, puisque nous l’avons rêvée ensemble et que le rêve est devenu réalité. En deux étapes : l’Association de Psychanalyse de l’Enfant (APE) tout d’abord, qui a vécu dix ans d’une belle et joyeuse existence pleine de découvertes et de bonheurs. La Société Européenne pour la Psychothérapie de l’Enfant et de l’Adolescent (SEPEA) ensuite, qui s’est voulue européenne et qui le souhaite encore, car nous avons cru aux potentialités d’une Europe humaine et sociale capable de transcender les intérêts financiers égoïstes et sordides qui s’y sont grossièrement invités en laissant une portion congrue aux idéaux d’échanges scientifiques et culturels.
Membre titulaire formateur de l’Association Psychanalytique de France (APF), Annie a œuvré à l’Hôpital de la Salpêtrière pendant des décennies prenant des enfants en psychothérapie analytique et formant des jeunes praticiens à cette compétence. Elle avait été introduite dans ce poste, inventé pour elle, par Daniel Widlöcher, qui nous a toujours soutenues dans notre combat pour la reconnaissance d’une psychanalyse de l’enfant à part entière.
C’est sous sa présidence de l’Association Psychanalytique Internationale (API) qu’Annie et moi avons été élues membres titulaires directs de l’Association Psychanalytique Internationale, pour la formation en psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent.
Soucieuses de demeurer fidèles à nos deux Sociétés d’appartenance – APF pour elle, Société Psychanalytique de Paris (SPP) pour moi – nous avons choisi de placer nos énergies dans la transmission de nos compétences aux jeunes collègues qui se sont inscrits aux activités de l’APE, puis de la SEPEA, plutôt que dans la scission pour former une nouvelle société qui, selon nous, n’avait pas sa raison d’être.
Cette SEPEA, tu en as été maintes fois la Présidente – toutes les fois où j’en étais la Vice- Présidente – et vice-versa : l’important n’a jamais été le titre, et nous avons toujours partagé la fonction de présider à l’avenir de ce petit navire qu’est la SEPEA – selon le terme si bien choisi de Xavier Giraut, son actuel Président, que je remercie de m’avoir demandé d’écrire ce qui doit bien tristement s’appeler un hommage, et qui ne rendra que bien peu et bien mal tout ce que nous te devons, moi la première.
Et si notre chemin n’a pas toujours été sans obstacle, l’évolution de la société civile semble aujourd’hui nous donner raison: l’exigence métapsychologique de la méthode psychanalytique va devoir se frayer un passage de plus en plus difficile au travers des conditions économiques et culturelles de notre société occidentale présente et à venir, conditions qui ne permettent plus qu’exceptionnellement de proposer une cure-type, tandis que les besoins du monde en thérapie véritablement psychanalytique se feront de plus en plus aigus et tragiques. Sous peine de disparaître complètement, la psychanalyse va devoir, pour survivre, s’exercer principalement dans les eaux mêlées de la psychothérapie psychanalytique. Cela demandera à ses praticiens une rigueur de pensée conceptuelle à la mesure de leur souplesse d’adaptation à des conditions inédites. Or, Annie et moi avons toujours pensé que la meilleure formation pour devenir psychanalyste à part entière était l’exercice de la psychanalyse avec les enfants.
Annie, tu vas me manquer très cruellement, je vais devoir t’intérioriser encore davantage pour supporter de t’avoir perdue dans le monde extérieur, et je ne sais pas si les années qui me restent à vivre y suffiront, mais je vais m’y efforcer bravement, comme tu as toujours fait bravement face à l’adversité. Je le ferai aussi en hommage amical à Christine, ta fille qui t’a emboîté le pas avec toute son énergie et ses compétences, et avec laquelle je me retrouve pour mon plus grand plaisir au COCAP (Committee On Child and Adolescent Psychoanalysis) de l’API.
Parmi les quelques photos que j’ai de toi, chère Annie, j’ai choisi de transmettre à nos amis de la SEPEA celle qui a été prise par un passant à notre demande voici dix ans déjà – le 5 septembre 2009 – sur cette belle plage du pays d’Arcachon que tu aimais tant. On nous y voit heureuses d’être ensemble, ébouriffées par le vent des pensées en quête de penseurs et dynamisées par le soleil de l’été.
Évidemment, ce n’est pas une photo bien conventionnelle. Mais notre profonde amitié n’a rien eu de conventionnel, non plus que ce que nous avons voulu transmettre. Ce sera donc aussi le cas de mon hommage, chère Annie, que je te rends avec toute mon immense gratitude et mon affection sans bornes.
Florence Guignard Chandolin, 11 novembre 2019
Christine Anzieu-Premmereur :
Annie Anzieu 1924-2019, Oraison funèbre
Annie Anzieu est décédée le 10 novembre. Annie Anzieu est née en France en avril 1924. Diplômée en philosophie et psychologie à Paris à la fin de la 2e guerre mondiale, , elle épouse Didier Anzieu en 1947. Tous deux deviennent psychanalystes. Didier a notamment développé ses travaux sur l’auto-analyse de Freud dans les années cinquante et sur le Skin Ego des années quatre-vingt. Ils ont vécu à Paris et ont eu deux enfants, Christine et Pascal. Leur fille, Christine Anzieu-Premmereur, est également psychanalyste. En 1958, Annie Anzieu était orthophoniste à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, où le professeur Daniel Widlöcher a fondé avec elle le département de psychothérapie infantile qu’elle a dirigé pendant de nombreuses années. Elle a consacré son temps à enseigner et former de nombreux psychothérapeutes d’enfants. Elle a été analysée par Georges Favez et est devenue analyste formateur à l’Association Psychanalytique de France, fondée en 1964.
En 1984, elle a été nommée présidente de l’Association pour la psychanalyse de l’enfant (APE) qu’elle a fondée avec sa collègue Florence Guignard. En 1994, elles ont toutes deux étendu cette société au niveau européen et fondé la Société européenne pour la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescence (SEPEA). Elle a été nommée vice-présidente de la SEPEA la même année.
Grâce à Anne Marie Sandler, son amie de Londres, l’Association Internationale de Psychanalyse a créé un Comité sur la psychanalyse des enfants et des adolescents (COCAP), qui a contribué à la reconnaissance des psychanalystes d’enfants du monde entier. La COCAP a élu Annie Anzieu parmi d’autres collègues européens en tant qu’analyste responsable de la formation en psychanalyse pour enfants et adolescents.
Dans ses travaux sur l’analyse de l’enfant, elle a mis l’accent sur le rôle des relations corporelles et des enveloppes psychiques entre mère et enfant, ainsi que sur le besoins de pouvoir nommer les affects. De plus, elle a publié des articles sur la sexualité féminine. Dans son livre «La femme sans qualité», elle propose l’idée que la vie psychique d’une femme est sous l’influence de ses représentations de l’intérieur de son corps et de sa réceptivité. Elle a laissé une empreinte importante dans le monde psychanalytique pour le traitement des enfants, des adolescents et des femmes.
Bibliographie
- Le psychanalyste dans son fauteuil. In G. Favez et al.: Être psychanalyste. Paris 1976, 148-1669
- De la chair au verbe : mutisme et bégaiement, in Psychanalyse et langage. Du corps à la parole. Dunod 1977
- La Femme sans qualité. Esquisse psychanalytique de la féminité, Dunod, 1989 -L’inquiétante féminité. A propos de l’adolescence, Adolescence 21, 1993/1, « Clinique de la honte
- Beunruhigende Weiblichkeit. Zum Thema Adoleszenz. Psyche 49, 1995, 886-902
- Détachement, renoncement, séparation, in Journal de la psychanalyse de l’enfant, n°16, Ruptures et changements, 1997.
- Le Jeu en psychothérapie de l’enfant, avec Christine Anzieu-Premmereur & S. Daymas.
- L’hystérie, enveloppe d’excitations. In Les enveloppes psychiques, Dunod, coll. « Inconscient et culture » 2000.
- Le Travail du psychothérapeute d’enfant, Dunod, coll. « Psychothérapies », 2003
- Hysterie als Erregungshülle. In B. Brosig and U. Gieler (eds.): Die Haut als psychische Hülle. Gießen 2004.
- Propos sur la féminité. Revue française de psychanalyse, vol. 69(4), 1103-1116, 2005.
- Sur la formations des psychothérapeutes d’enfants. Le Carnet PSY, 98(3), 30-31, 2005.
- Corps et contre transfert. Le Carnet PSY, 111(7), 27-32, 2006.
- Quelques réflexions sur une psychanalyse possible des bébés. La psychiatrie de l’enfant, vol. 50(2), 417-422, 2007. doi:10.3917/psye.502.0417.
- Le Travail du dessin en psychothérapie de l’enfant, avec Loïse Barbey, Dunod, coll. « Psychothérapies », 2012 .
- Anzieu, A. & Anzieu-Premmereur, C. (2014). Le fonds Didier Anzieu. Annuel de l’APF, annuel 2014(1), 199-200. doi:10.3917/apf.141.0199.
Christine Anzieu-Premmereur
November 23, 2019