C’est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès de Geneviève Haag.
Geneviève Haag a été une grande figure de la psychanalyse avec l’enfant. Nous perdons une collègue estimée et une chercheuse infatigable. Sa vitalité, sa curiosité intellectuelle et son intérêt profond pour la psychanalyse et la psychanalyse avec l’enfant, son appétit pour la transmission nous manqueront. A nous de continuer à faire vivre sa pensée…
La SPP, 6 juillet 2022
Le parcours de Geneviève Haag
par Hélène Suarez Labat
Geneviève Haag était psychiatre, ancienne interne des hôpitaux psychiatriques de la Seine. En 1964, elle est appelée par le Pr Didier Duché pour rejoindre l’équipe de L’Institut Médico Educatif Marie-Auxiliatrice à Champrosay (Essonne). Elle en deviendra le médecin chef, et y créera, dans les années 80, des dispositifs innovants de soins individuels et groupaux destinés aux enfants atteints de troubles polyfactoriels présentant des troubles autistiques sévères.
Dans les années 60, elle rejoint le Dr Henri Sauguet à L’Institut Claparède à Neuilly sur Seine. Elle y rencontre James Gammill qui devient un de ses superviseurs. Il l’engage à établir des contacts avec les psychanalystes anglo-saxons qui s’occupent d’autisme.
A l’institut Claparede, elle a occupé les fonctions de médecin consultant et de psychothérapeute auprès des enfants qui présentaient, pour certains, des états autistiques. Elle les recevait avec leur famille, avec leurs frères et sœurs, s’intéressait de plus en plus au développement du bébé en ayant bénéficié des transmissions de Frances Tustin et de Esther Bick, dont elle fut l’élève. Elle créa une équipe pluridisciplinaire dynamique avec des dispositifs novateurs et une méthode de travail psychanalytique extrêmement rigoureuse.
Infatigable chercheuse, Geneviève Haag a publié de nombreux articles depuis 1977 où elle a présenté avec Cesar et Sara Botella au Congrès des psychanalystes de langues romanes une conférence princeps : « En deçà du suçotement » ; elle a ouvert la voie à de nombreuses recherches et à la publication de 300 articles, traduits en différentes langues. En 2018, elle a obtenu le 56ème Prix Maurice Bouvet pour son ouvrage paru aux Puf « Le moi corporel. Autisme et développement ». Un deuxième ouvrage paraîtra en Août 2022 qui retrace l’histoire et l’actualité de ses recherches sur les processus de changement dans l’autisme : « La grille d’évaluation de l’autisme » aux Puf.
Ses travaux se situent au carrefour de plusieurs chemins, où elle a croisé des pionniers de la psychanalyse et des espaces psychiques primitifs, qui ont, eux aussi, défriché les voies empruntées par le négatif. Elle avait installé un dialogue avec plusieurs psychanalystes dont André Green, Piera Aulagnier, Didier Anzieu, Michel Soulé, Florence Guignard, Didier Houzel, Bernard Golse, Maria Rhode et David Rosenfeld. On retrouve également dans ses travaux un prolongement du travail winicottien de défrichage des relations entre soma, psyché, création des espaces psychiques, avec lesquels elle faisait des liens avec ses propres découvertes relatives au moi corporel et à l’image du corps. C’est en 1983 qu’elle était devenue membre de la SPP. C’est autour de Donald Meltzer et Marta Harris et de leur venue régulière en France que fut créé en 1973 le Gerpen auquel Geneviève participa activement. En 2004, elle créa la CIPPA en demandant à M.D. Amy de la rejoindre pour l’aider à organiser le rassemblement des psychanalystes s’occupant des personnes autistes, à promouvoir des recherches, et à organiser des débats avec d’autres disciplines ; aujourd’hui la CIPPA est devenue une association au rayonnement international qui conserve l’esprit de recherche transmis par Geneviève Haag.
Geneviève Haag aimait les liens avec l’esthétique, elle nous laisse une œuvre riche de découvertes et de nouvelles perspectives de recherches à venir. Comme elle aimait souvent dire : « Nous n’avons pas fait le tour de cette question ou de ce problème ». Ainsi elle cherchait toujours à découvrir de nouveaux chemins empruntés par les processus et leurs mises en sens pour penser les intégrations du rythme et de ses fantaisies. Elle a rejoint son mari Michel Haag avec qui le dialogue était incessant.