Dès l’origine de la psychanalyse ou presque, la question se pose de ses liens avec l’Université. En 1913, Freud rédige à la demande d’une revue scientifique italienne, « Scientia », un texte qui étudie l’intérêt de la psychanalyse, pour les principaux domaines de connaissance déjà constitués en disciplines universitaires[1]. Sans dissimuler les résistances qu’elle rencontre pour prendre sa place dans le champ du savoir, Freud n’en montre pas moins ses apports pour chaque discipline concernée. Ayant naturellement commencé par la Psychologie, il décrit ce que l’hypothèse de l’inconscient psychanalytique apporte de manière spécifique à d’autres sciences : Sciences du langage, Philosophie, Biologie, Histoire de la civilisation, Sociologie, Esthétique et Pédagogie. A propos de l’histoire du développement, il souligne la pertinence du célèbre aphorisme : L’enfant est le père de l’homme.
Six ans plus tard, Freud publie un second texte au titre en forme de question : « Doit-on enseigner la psychanalyse à l’université ? »[2]. Sa portée tient à la mise au point, formulée dès les premières lignes, sur le point de vue en fonction duquel poser la question. La réponse n’est en effet pas la même, selon que l’on considère l’intérêt de l’université ou de la psychanalyse. Selon Freud, tant que l’enseignement de la psychanalyse est exclu de la Faculté de Médecine, sa transmission peut être envisagée ailleurs, pourvu qu’elle le soit par des professionnels confirmés, compétents aussi bien sur le plan théorique que pratique.
Cent ans plus tard, la situation est d’autant plus renouvelée qu’en France, cet enseignement a été mis en place dans les années 1950. C’est Juliette Favez-Boutonnier qui, après avoir été analysée par René Laforgue et une fois devenue membre de la SPP, met en place le premier cursus de psychologie clinique psychanalytique à l’Université Paris 7, aux côtés de Daniel Lagache, Didier Anzieu et Pierre Fédida.
Aujourd’hui, en 2021, si des opposants ont réussi à censurer certains de leurs enseignements, leurs successeurs résistent malgré tout, et sont présents dans de nombreux départements de psychologie des Universités françaises. Dans ces départements, les nouveaux psychanalystes universitaires participent aux enseignements, souvent depuis la première année jusqu’au Doctorat. Dans plusieurs universités, ils mènent également des recherches interdisciplinaires, dirigent des thèses et contribuent même au fonctionnement d'instances officielles. Leur carrière sont alors semblables à celles de collègues d’autres disciplines universitaires, évoluant au gré de leur production scientifique : articles, direction de revues, publication d’ouvrages, etc.
En dépit de leurs charges universitaires, ces psychanalystes maintiennent des collaborations souvent étroites avec les écoles et les institutions qui les ont formés à la psychanalyse. Ainsi, en accord avec certains vœux de Freud, ils montrent que la méthode psychanalytique et les concepts qui la fondent participent de manière féconde, non seulement au développement de disciplines proches de ses propres objets - la psychiatrie par exemple - mais également à celui d’autres disciplines comme la criminologie, la philosophie, l’anthropologie ou la sociologie.
Le site Université de la SPP constitue un lieu d’échanges et de propositions concernant des programmes de recherche ou d’enseignement, des publications scientifiques (articles, ouvrages, etc.). Il peut servir d’interface entre un public de professionnels, débutants ou expérimentés, et des chercheurs qui, à l’université, enseignent et explorent différents objets qui occupent la scène sociale. Mise en œuvre aussi bien par les praticiens que par les chercheurs, l’hypothèse de l’inconscient demeure entre eux un trait d’union qui relie de manière heuristique, l’univers des professionnels et celui des scientifiques. Mais il peut aussi être davantage ouvert, et être consulté par le public profane qui désire savoir comment travaillent les psychanalystes et quels sont leurs objets de recherche. La diversité de ces objets ainsi que l’ouverture des recherches peuvent contribuer à faire sortir la psychanalyse du stéréotype dans lequel ses détracteurs veulent l’enfermer pour mieux la faire taire. De cette façon, le public intéressé pourrait ainsi découvrir l’ampleur de ces travaux psychanalytiques, sur les personnes transgenres, le binge drinking chez les jeunes, les radicalités, le déni de grossesse, le phénomène placebo, la personnalité des tueurs en série, les familles homoparentales, les scarifications des adolescents et les atteintes corporelles, les personnes autistes, les hikikomoris, les dépressions, l’univers de la périnatalité, etc.
Pascal Henri Keller, Psychanalyste, membre de la SPP, conseiller scientifique GASPP, Professeur émérite, université de Poitiers.
[1] Freud S., 1913, L’intérêt de la psychanalyse, in Résultats, Idées, Problèmes I, PUF, 1984, p. 187
[2] Freud S., 1919, op. cit., p. 239
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