Samuel Lepastier répond à un entretien sur le site de Atlantico.fr
Atlantico : On a tendance à opposer deux formes d’intelligences : une qui serait plus rationnelle, logique et analytique et une qui serait plus intuitive, imaginative et artistique. Comment s’expriment ces deux formes d’intelligences ? Quels sont les profils des individus qui sont concernés ?
Samuel Lepastier : Il s’agit en réalité de la diversion de Pascal entre l’esprit géométrique et l’esprit de finesse. Il est vrai que l’on parle aujourd’hui d’intelligence émotionnelle, mais personnellement, je n’emploie pas cette expression. Ce que l’on appelle émotion c’est une façon de se défendre. Un mécanisme qui peut être physique : lorsque le prédateur arrive les animaux ont des signaux qui commandent la fuite ou inversement, quand j’ai l’intention d’attaque je le signifie et l’autre le comprend et agit en conséquence. Je ne suis pas certain que ce soit le terme d’intelligence qui convienne au mieux. C’est une forme de survie, c’est la capacité à anticiper la réaction des autres et la capacité à agir émotionnellement.
Est-ce que cela peut être transmis sur le plan académique ou pas ? On observe ceci chez beaucoup d’étudiants. Il y a un lien très important entre leurs capacités cognitives et leur maturité affective. Cet écart les fait beaucoup souffrir. D’une façon générale d’ailleurs, c’est cet écart qui explique que notre intellect évolue dès la naissance et que ce qui concerne la psycho-sexualité se développe particulièrement à partir de la puberté. Il y a donc un décalage entre notre développement sexuel et notre développement intellectuel, ce qui peut causer l’immaturité affective chez un certain nombre d’individus.
Le moyen de réduire l’écart entre les deux, est peut être de développer l’oral pour permettre de développer davantage l’intelligence émotionnelle puisque l’écrit s’accorde bien plus à l’intelligence rationnel.
On dit souvent que les filles sont plus matures que les garçons. Est-ce une légende ? Et si tel est le cas, pourquoi ?
Oui c’est ce que l’on dit mais on dit aussi que les filles font moins de mathématiques que les garçons… Physiquement c’est vrai que les filles se développent plus vite que les garçons. Il y a peut-être une explication culturelle, même si je crois l’aspect culturel n’explique pas tout bien qu’il joue un rôle. En effet, la puberté semble moins dramatique chez les filles que chez les garçons. Pour une raison simple : on attend moins de performance de la part des filles que de la part des garçons. C’est une erreur, mais c’est vrai. D’autre part, cela explique également pourquoi on voit plus de comportements du trouble alimentaire chez les filles que chez les garçons. Bien que cela évolue ces dernières années et que l’on retrouve désormais confronté à des cas d’anorexie chez les garçons.
Notre époque semble valoriser davantage l’intelligence rationnelle qu’intuitive, pourquoi ? Et quelles en sont les conséquences ?
C’est vrai, et il est également indéniable que cela a tendance à varier selon les époques. Certaines valorisaient davantage l’intelligence intuitive. Tout ce qui est de l’ordre transmission artisanale, qui se fait par le flair relève effectivement de l’intuition : apprendre à cultiver la terre par exemple, à faire les récoltes au bon moment ou même la médecine d’autrefois…
Aujourd’hui, et à travers l’usage de l’ordinateur, on valorise la pensée rationnelle. Par exemple, on a de très grands génies en informatique qui sont d’une grande intelligence rationnelle mais qui sont très immatures sur le plan affectif.
Il y a quand même un élément important, la pensée des ordinateurs est une pensée binaire : c’est 1 ou O. Il y a toujours des choix binaires à faire, alors que la véritable intelligence est bien plus complexe et qu’elle dépasse le binaire.
Il n’est pas sûr que l’on puisse séparer l’apprentissage de l’affectif et cela n’est pas souhaitable. Il y a toute une dimension de la psychanalyse qui démontre que les oublis peuvent être liés à des facteurs affectifs. Lorsqu’on l’on fait un lapsus, par exemple, cela renvoie à quelque chose que l’on a mal digéré. C’est toujours l’émotion qui supporte l’apprentissage : lorsque l’on perd certaines capacités affectives on ne retient plus rien.