15 & & 16 mars 2025 à Paris
Fil rouge par Sabina Lambertucci Mann
Présentations cliniques
Philippe Saielli discuté par Joyceline Siksou
Olivier Halimi discuté par Françoise Seulin
Institut Mutualiste Montsouris - 42, Bd Jourdan, Paris 14e
Ateliers à la SPP - 21, rue Daviel, Paris 13e
Processus et transformations, argument
La conception des buts et des enjeux du travail psychanalytique évolue au fil du temps avec en particulier la notion relativement récente et fondamentale d’un processus ou plutôt des processus qui s’y déploient et qui en dialectisent les différents champs.
Le terme processus désigne aussi bien une modélisation du fonctionnement psychique avec les processus primaires et les processus secondaires, qu’une dynamique du travail analytique.
Cette notion de processus psychanalytique n’est pas abordée en tant que telle chez Freud même si elle apparait en 1913 dans « Sur l’engagement du traitement » en lien avec la question de la durée du traitement et de « la résolution des refoulements existants » (p.171). Mais toute son œuvre y fait implicitement référence dès lors qu’il introduit « la dynamique du transfert » et ses après-coups.
Elle ne se déploie dans la littérature psychanalytique que dans les années 60, notamment avec la proposition de Meltzer d’une « histoire naturelle du processus psychanalytique » (1967, p.67) à partir de l’analyse d’enfant. Postulat d’une progression de l'analyse selon un rythme qui lui est propre. Néanmoins ce rythme peut se voir contrarié par de nombreux facteurs inhérents aux éléments mêmes qui lui permettent d’advenir, comme le transfert, à la fois moteur et résistance, et le contre-transfert auquel on accorde aujourd’hui un rôle déterminant. Il s’agit alors d’entendre non pas seulement ce que le patient sait qu’il dit, ou encore qu’il dit et qu’il cache aux autres, mais d’écouter ce qu’il ignore qu’il dit et ce qui ne peut pas se dire.
L’interprétation du transfert s’avère indispensable à l’intelligibilité de la situation analytique et à l’advenue de l’insight, et « l’enjeu dépend de la place que l’analyste occupe dans le transfert au moment où il profère l’interprétation » (Donnet, 1995, p.175). La signification qu’un patient donne à l’interprétation est liée à sa réalité psychique dans la configuration transférentielle de l’instant précis où elle est énoncée. On peut parler de l’interprétation qu’il fait de l’interprétation, d’un processus de l’interprétation (Diatkine, 2024) Ce sont les déploiements associatifs ultérieurs du patient, souvenirs, émergences hallucinatoires, qui détermineront la fécondité de l’échange joints aux capacités d’écoute de l’analyste.
Avec la première topique l’objectif était de rendre l’inconscient conscient, lever l’amnésie infantile, puis avec la seconde topique, de redynamiser l’organisation du moi à partir du ça, une dynamique autopoïétique : « Wo Es war, soll Ich werden » (Freud, 1933a).
L’enjeu est alors de permettre au patient de se mettre à l’écoute de son fonctionnement psychique, d’avoir une meilleure connaissance de celui-ci, d’accepter que son moi, qui n’est « pas maître en la demeure » (Freud, 1917a), compose avec cette part inconsciente de lui-même qu’il ignore et qu’il s’applique à ignorer au moyen de la résistance.
Selon les moments de la rencontre analytique, le lacis des pensées de l’analysant et de l’analyste en appui sur le trépied « association libre – attention en égal suspens – pensées latentes », ouvre à une expérience unique dans un espace partagé et hors du commun. À partir d’une expérience psychique réciproque et soutenue par deux psychismes distincts, le travail de transformation du fonctionnement psychique relève de l’analytique de situation en lien avec la vie pulsionnelle et ses complexités. Réminiscences, reviviscences, répétitions, actings viendront colorer le transfert qui fluctuera tout au long de la cure au gré des mouvements complexes de régression et de leur élaboration. Transferts tantôt tempérés, parfois passionnels, quelquefois mortifères, voire « négativants » (Bokanowski, 2015).
Le destin souhaitable du transfert s’avère être l’identification à la fonction analysante de l’analyste, appropriation subjective d’une capacité d’écoute pour soi-même.
Le processus a une finalité transformatrice sur les deux partenaires du couple analytique au regard de l’inconnu et du nouveau qui surgissent dans toute cure. Du côté du patient, un accueil de son fonctionnement psychique pris dans sa pulsionnalité, et du côté de l’analyste la remise en question de ses outils de pensée pour supporter l’incertitude en dehors de toute conviction idéologique.
Bibliographie
Canestri J. (2004). Le concept de processus analytique et le travail de transformation, Revue Française de Psychanalyse 68 (Sp) : 1495-1537
Bokanowski T. (2015). Le processus analytique. Voies et parcours, Paris, Puf
Diatkine G. (2024). Du divan de Freud au processus de l’interprétation, Paris, Puf
Donnet J.L. (1995). Le divan bien tempéré. Paris Puf
Freud S. (1913 c/2005). Sur l’engagement du traitement. OCF.P, XII : 161-184. Paris, Puf
Freud S. (1917 a [1916 1996]). Une difficulté de la psychanalyse. OCF.P, XV : 45-51. Paris, Puf
Freud S. (1933a [1932]/1995). 31e leçon : la décomposition de la personnalité psychique. OCF.P, XIX : 140-163. Paris, Puf
Green A. (2001). Mythes et réalités sur le processus analytique, Revue Française de psychosomatique 19 : 57-88.
Meltzer D. (1967/1971). Le processus psychanalytique, Paris, Payot.