DATE
LIEU
70, Rue Jouffroy d'Abbans, Paris, 75017
Henri Cartier-Bresson, Alberto Giacometti et la psychanalyse
Argument
Pierre Assouline, pour sa biographie Cartier-Bresson. L’œil du siècle (Editions Gallimard), a recueilli la parole de l’artiste dans de longs entretiens menés à bâtons rompus, portés par une longue et profonde relation amicale. Cette traversée du XXe siècle confond les hommes, les évènements et les lieux, avec un accent mis « moins sur les évènements que sur les instants, comme si la preuve importait moins que les traces. Point de dates, surtout pas de dates ! Que des impressions et des silhouettes évoquées avec une rare intensité et, au moment où je m’y attendais le moins, un récit d’une incroyable précision ». La parole de Cartier-Bresson va du plus factuel au plus intime, au plus refoulé. L’analogie du travail du biographe, avec le travail de l’analyste est saisissante.
Peut-être parce qu’il s’agit d’une biographie issue d’une amitié intime entre Pierre Assouline et Henri Cartier-Bresson qui a duré une bonne dizaine d’années, le génie psychanalytique du célèbre photographe se dévoile mieux encore quand est relaté son dialogue non moins intime avec Giacometti. En effet, la spontanéité de l’acte photographique, visant dans le monde la capture d’un « instant décisif », et la méditation du dessin que le récit du biographe fait advenir interrogeraient-ils à leur tour le psychanalyste, son acte d’interprétation comme son travail de perlaboration que lui ouvrent les « récits » dans la séance d’analyse ?
Vladimir Marinov a de longue date poursuivi le compagnonnage du psychanalyste avec les artistes et plus particulièrement Giacometti dans des nombreux articles et son livre Le démiurge et le funambule. Brancusi et Giacometti (Edition l’Harmattan). Si l’analyste utilise certains termes techniques – complexe d’Œdipe, narcissisme, tendresse, cruauté, mélancolie, archaïque – le qualificatif de funambule attribué à Giacometti provient d’une photo de l’artiste près de son œuvre représentant un équilibriste prise par Cartier-Bresson. La fragilité de l’Homme qui marche de Giacometti ne se situe-t-elle pas au cœur de notre clinique moderne ?
Quel regard le psychanalyste pose-t-il sur la rencontre et le dialogue féconds entre Giacometti et Cartier-Bresson, au-delà du rappel convenu des métaphores photographiques et sculpturales se trouvant au cœur de la théorie de l’appareil psychique, du transfert et de l’interprétation? Les deux artistes, en véritables funambules et équilibristes, ont cherché une nouvelle articulation entre la “petite” et la “grande” histoire au cœur d’un siècle en perte d’équilibre.
Ce sont là les questions sur lesquelles s’ouvre le débat entre Pierre Assouline et Vladimir Marinov, entre biographe et psychanalyste, et que tous deux nous invitent à penser.