M. Steiner constate que Freud n’a jamais défini le « juif » d’une histoire juive. Il a comme objectif d’examiner cette question. Dans cette optique, il fait un va-et-vient permanent entre l’ouvrage sur le mot d’esprit et celui sur l’humour. Ces deux textes sont plus que complémentaires car Freud introduit entre-temps l’instance du surmoi, indispensable à la compréhension de l’humour mais aussi, comme Steiner le démontre, à ce qui est le « juif ». Le surmoi, aussi bien individuel que collectif, est au centre de la caractérisation du « juif » de l’humour. Mais le surmoi seul ne suffit pas . Il nécessite la mise en référence avec un autre surmoi afin que se constitue un écart surmoïque, dans notre cas juif/chrétien ou juif orthodoxe/ juif athée. Cependant, il ne faut pas un écart trop important. Pour définir une histoire juive, il faut au moins deux surmois ; elle est juive par rapport à une référence culturelle non-juive. Les histoires juives visent le surmoi. Pour mieux comprendre le « juif » de l’humour, l’auteur décrit les particularités de la culture juive et les ramène au déterminisme surmoïque. L’humour s’insère donc dans un contexte.
Le qualificatif juif est un ressenti au plus près de la subjectivité et donc de l’instance surmoïque. Le dénominateur commun des histoires juives est la déraison, le subversif et le désordre.
Les histoires juives et la psychanalyse ont en commun la logique déréférencée de l’inconscient et du signifiant. L’esprit juif joue avec la raison et la subvertit.
« Juif » est donc le signifiant de l’altérité et du désordre.
Dans la post-face, F. Biégelmann donne un aperçu sur Heine, juif lui-même, dont les histoires juives, et plus particulièrement les histoires ashkénazes, ont inspiré le Mot d’esprit de Freud.