Rapportant quelques souvenirs des événements et des rencontres qui ont marqué son itinéraire de dermatologue, Sylvie Consoli y souligne comment s'y mêlent la parole, le toucher, la tendresse et la peau. En dévoilant leurs maladies dermatologiques, les patients dévoilent des souffrances qui peuvent être exposées au regard d'autrui, mais qui sont aussi secrètes et liées à l'intimité. Devenue psychanalyste, d'abord sous la conduite de Sidney Stewart (auteur de Mémoires de l'inhumain, dont nous avons rendu compte dans le numéro 2 de cette rubrique), Sylvie Consoli pense sa pratique sans renoncer à sa réflexion sur le toucher. Car tout reste affaire de tact. Ce livre nous donne accès à la façon dont l'auteur rassemble en elle les liens qui unissent le toucher et la parole, la peau et le psychisme, la dermatologie et la psychanalyse. Parmi ces liens, la tendresse est fondamentale.
Un premier chapitre est consacré à la notion de surface, première approche pour appréhender les fonctions de la peau, de la cicatrisation jusqu'au contact "à fleur de peau", de la protection au toucher en passant par la séparation impossible. Une étude précise de "la peau malade" sous différentes formes rend compte ensuite de la réflexion de l'auteur sur les dermatoses, en une approche psychosomatique originale et attachante.
Sur la peau s'inscrit le temps qui passe… L'art du toucher est évoqué dans l'histoire (cf le toucher royal thaumaturge) et le frôlement de la danse, comme dans la technique du dermatologue, mais aussi dans les folies du toucher, passion des étoffes, stigmates, ou body art… La réflexion sur le piercing et les tatouages rejoint la question des traces sur la peau et bien sûr celle du sadomasochisme.
Mais c'est au besoin vital d'être touché pour vivre et à l'étude du Moi corporel que s'attache l'auteur, sensible aux ravages d'un manque de caresses, à l'accompagnement des massages en particulier dans la douleur, et à la peau des mots, compensatrice d'un manque corporel ou expression salutaire des affects. Le contact témoigne de la tolérance à la présence de l'autre (cf. P. Miller), la tendresse des soignants du corps témoigne de l'impossibilité de dissocier le geste technique du soin psychique. L'imaginaire et l'image de soi sont toujours inclus dans la relation (et sont parfois au premier plan, comme dans la demande esthétique). Sylvie Consoli plaide en faveur d'une tendresse bien tempérée, dans une perspective où le toucher et la parole restent des compagnons inséparables (ce qui n'invalide pas la réflexion sur les interdits du toucher) ; le patient somatisant, même s'il a une pensée opératoire, peut susciter l'identification du psychanalyste qui a pour tâche de savoir établir un contact et de se montrer touché psychiquement, loin d'une froideur qui répéterait le traumatisme.
Selon l'auteur, la peau n'est pas seulement siège de la douleur, elle contient tous les plaisirs, y compris le plaisir de penser, dont elle est la messagère. Sylvie Consoli nous y introduit avec intelligence et tendresse, mais aussi avec passion.