Ce livre nous propose les réflexions d'un week-end de travail (juin 2003) de la Société européenne de psychanalyse de l'enfant et de l'adolescent, autour de la conférence de Christian Gérard, “ Trauma primaire et contre-transfert ”. Le traumatisme est un excès d'excitation dont l'intégration n'est pas possible au moi qui la subit. Christian Gérard commence par étudier l'évolution de la notion de trauma et rappeler l'état de la question du contre-transfert. Plusieurs exemples cliniques lui permettent de montrer comment le contre-transfert donne accès aux traces du fonctionnement traumatique du patient ; ainsi Pierre, trois ans et demi, hurle : “ ƒcoutez Jacques ! ” et pleure en entrant dans le rôle du bébé hurleur, celui de son frère cadet, Jacques : seul ce prénom revient ˆ la mémoire de l'analyste. Ainsi, la régression formelle de la pensée en consultation ou en séance permet la rencontre du fonctionnement psychique de l'enfant et donne la possibilité de mettre l'accent sur la problématique traumatique. Les problématiques narcissiques et les relations avec l'objet primaire sont au premier plan, tandis que l'enfant est confronté à l'irreprésentable qui suscite les “ accidents ” contre-transférentiels. Mais il ne faut pas méconnaître le caractère également paternel du contre-transfert : c'est bien du “ père défaillant ” en même temps que des aléas de la relation précoce à la mère que procèdent les difficultés ou les échecs de la symbolisation primaire ; cette fonction paternelle essentielle est ˆ entendre dans l'ordre d'une séparation précoce, ouverture ˆ la symbolisation et protection contre le développement d'un fonctionnement traumatique.
Parmi les contributions qui suivent cet exposé, notons les réflexions de Jean Bergeret sur le “ point aveugle du contre-transfert ” mis en relation avec les traumatismes de la période fœtale : bien des traumatismes ou des carences affectives graves ont rapport avec des ennuis gynécologiques de la mère et/ou avec un rejet par celle-ci de sa grossesse. Alberto Konicheckis s'attache à la dimension transgénérationnelle des noyaux traumatiques précoces, tandis que Dominique Delay réfléchit aux destins des traumas dans la cure à partir de la fonction économique des cauchemars et de la transformation de l'informe terrorisant, montrant l'importance essentielle du travail de figuration. Avec Anne Couplan-Gérard, nous rencontrons Benoît, 8 ans, prostré et devenu quasiment mutique ; il a été traumatisé par un trop d'excitations perceptives et sensorielles lorsqu'il a surpris son père en pleine relation sexuelle avec un homme dans une douche, après un entraînement de rugby. Il fallut un an de psychothérapie pour que l'enfant puisse en parler, après un passage par une régression à l'objet primaire, lui donnant la possibilité de se dégager de la mêlée — mêlée de rugby qu'il dessinait interminablement dans une implacable répétition. Mais il faut souvent aller à la recherche du trauma perdu (M. Utilla-Robles), et la pathologie autistique peut avoir des effets traumatiques sur le contre-transfert (C. Lorgeoux-Gallais) : bref, le contre-transfert lui-même peut être traumatisant, comme le montre Louise de Urtubey, mais la résurgence de l'infantile traumatique dans la cure (F. Guignard) est essentielle. Ce très riche ensemble fournit aux analystes un instrument de travail attachant et profond.