L’esprit d’Avicenne, hôpital de Bobigny en région parisienne (93) serait un “ nouvel esprit andalou ”, au confluent de cultures hétérogènes, dans un espace urbain diversifié où cohabitent toutes les migrations, et qui suscite malgré les difficultés de vie un fort sentiment d’appartenance locale. Réfléchissant avec d’autres collaborateurs sur leur expérience de thérapeutes transculturels, Marie-Rose Moro souligne l’importance de la dialectique entre filiation et affiliation. Elle montre la difficulté de transmettre en situation d’exil, et la recherche des moyens par lesquels dire “ je ” (analysant par exemple dans cette logique le choix éventuel de porter le foulard islamique), en une alchimie du quotidien, hétéroclite mais inventive.
Écrit avec simplicité et largement accessible, le livre commence par un historique de la consultation transculturelle (qui fut initialement la consultation d’ethnopsychiatrie de Tobie Nathan), insiste sur l’importance des traditions culinaires et la signification de leur métissage ; puis l’auteur donne la parole à Isidoro Moro Gomez, son père, pour un récit autobiographique qui est bien sûr une histoire d’exil : “ Chaque histoire d’exil est singulière, précieuse, intime et courageuse ”.
Suivent un grand nombre de vignettes cliniques, “ fragments de rencontres ”, racontées par ceux qui consultent et ceux qui soignent, avant que ne soit présenté le dispositif transculturel d’Avicenne, en s’interrogeant sur son efficacité thérapeutique, et plus encore sur les liens sociaux et les formes de “ vivre ensemble ” qui sont à inventer. Chaleureux et attachant, cet ouvrage est simple et sincère, généreux en même temps que rigoureux ; il aide le lecteur à sortir de ses à priori sociaux, entretenus par les focalisations médiatiques, pour évoquer une banlieue où l’on veut vivre, travailler et aimer. L’authenticité des rencontres en fait la richesse.