Tous ceux qui désespèrent de l’amour et, cherchant à en fuir l’excès, ressentent la tentation de l’inertie, de l’habitude (solere, avoir l’habitude), J.-M. Hirt les convie à l’insolence.
D’abord, il « propose une distinction entre le corps visible et objectif […] et l’épaisseur éprouvée de ce corps qui constitue sa chair invisible, désirante, souffrante et jouissante, une chair qui incarne la subjectivité de chacun. » Suit un développement sur l’image de l’amour et de la femme dans la psychanalyse, mais surtout dans l’histoire, l'art et la religion. Concernant « l’énigme du féminin », il nous rappelle le conseil de Freud : pour « en savoir plus […] interrogez vos propres expériences de la vie ou adressez-vous aux poètes ».
Pour J.-M. Hirt, « le temps est venu où le psychanalyste, comme François Perrier le déclarait dans son « Séminaire sur l’amour », doit « s’affirmer pour ce qu’il est, c’est-à-dire aussi antisocial que le phénomène amoureux lui-même ».
Prenant appui principalement sur les discours sur l'amour (Freud, mais aussi la Bible, le Coran, Shakespeare, Baudelaire ou Bataille etc.), J.-M. Hirt se propose de nous dévoiler une perspective nouvelle qui rassemble la sensualité et la tendresse, mais aussi un troisième courant qui irrigue la vie amoureuse : la cruauté.
« Si ce courant est nécessaire [à la fusion des deux premiers], n’est-ce pas en raison de l’ouverture au corps et à la chair de l’autre que l’amour exige ? […] la cruauté ne conduit pas à une destruction de l’autre, mais permet la reconnaissance de l’étrangeté de l’autre plutôt que sa réduction au même. »
Suit un examen argumenté des rapports de la cruauté et de l’amour.
« A contrario, la difficulté de la fusion [des deux premiers courants] ne serait pas étrangère à l’occultation civilisée [du troisième], fort embarrassant », occultation qui, dans la culture, serait imputable au « rejet de l’alliance entre le spirituel et le sexuel en Occident en raison de l’opposition maintenue entre le corps et l’âme », dit J.-M. Hirt.
Au fur et à mesure qu’il développe sa thèse, je ressens dans sa démarche courageuse, ambitieuse, une tentation totalisante. Le « bouquet de métaphores » par lequel il l’illustre m’est apparu surabondant. Il convoque presque toutes les références culturelles « mode ». Hasardeux me sont apparus certains rapprochements entre des registres hétérogènes, incontrôlés, certains glissements avec parfois aussi, peut-être, une once d’élitisme et une complaisance dans l’illustration de l’excès, tout cela faute, sans doute, de l’absence de cadrage par les limites et la résistance de la clinique, mais ce n’était pas la perspective de J.-M. Hirt (cf. sous-titre : « Fictions de la vie sexuelle ») ; ce terme de fiction éclaire d’ailleurs en partie mon embarras à situer cette œuvre : psychanalyse appliquée ou perspective plus vaste ?
En chemin on fait néanmoins d’intéressantes découvertes et surtout, J.-M. Hirt a solidement ouvert, ancré même, une réflexion forte et dérangeante ! Qualités qui expliquent peut-être en partie la forme et le rythme de son texte. Reléguez vos boussoles, vous en serez peut-être les découvreurs audacieux !